Comment expliquer cette réalité au plus grand nombre?

Nous sommes la cause des Changements Climatiques, soyons la solution.
Merci de partager nos articles, ils sont écrits dans le seul but d'informer.

Translate/Traduire

vendredi 3 mars 2017

Le méthane du fond de l'Arctique n'est apparemment pas le terrible monstre qu'on croyait

Je ne sais pas tout, donc, j'apprends.
________________
Révision à venir dans un prochain article. Plus les scientifiques poussent les recherches et les observations, mieux on comprend. La bombe méthane ne serait pas réelle, mais me vous réjouissez pas tout de suite.
Il s'échappe 1000 fois plus de CO2 que de méthane du pergélisol. Il n'y a pas assez de CO2 dans le pergélisol selon les plus récentes études pour dépasser les émissions de source humaine, mais il y en a suffisamment pour accélérer le réchauffement de façon notable sur des périodes décennale à centenaires.


Le méthane de l'Arctique est un aspect terrifiant du réchauffement climatique qui en inquiète plusieurs, et avec raison ; certains véhiculent même le message que ce serait la principale cause d'une extinction massive et rapide emportant évidemment aussi l'humanité dans l'oubli... mais d'ici une décennie? Il n'y a aucune preuve ni étude scientifique pour soutenir cette affirmation.

La science ne peut pas affirmer qu'un important relâchement de méthane se produira ou non ni quand ; elle ne peut qu'en évaluer la probabilité et cette étude montre que cette probabilité est moins élevée... (ce que j'ignorais à l'époque).
Hydrate de méthane du fond océanique. Source :The interaction of climate change and methane hydrates
J'ai parlé moi-même dans mes articles du "Monstre de l'Arctique" et de "l'Arme fatale du réchauffement climatique" en faisant référence au méthane... Depuis 2010 suite au documentaire "La Bombe Méthane" que je m'attends à ce qu'à n'importe quel moment qu'une immense quantité de méthane Arctique s'échappe et cause un très rapide réchauffement déclenchant une extinction massive... Ne soyons pas si pressé, elle viendra probablement quand même bien assez tôt avec toutes les terribles souffrances que cela implique.

Je vous fais savoir que je me suis dissocié et désabonné de Arctic-news et Sam Carana parce qu'ils véhiculent de fausses informations qui ne sont pas toujours scientifiques. Je tiens à la rectitude des informations que je vous partage. Aussi, les crises climatique et environnementale sont déjà assez terribles sans avoir besoin d'en rajouter... Restons lucide!

Mais qu'est ce qui est scientifique au juste? Les études scientifiques révisées/approuvées par des pairs ; tout le reste n'est que spéculation, hypothèse ou même fabulation. Ceci dit, il y a de fausses études que l'argent permet d'acheter, surtout l'argent des pétrolières en ce qui a trait au déni du réchauffement climatique. Mieux vaut avoir et développer une bonne éducation scientifique et/ou pouvoir contre-vérifier ces études avec d'autres sources fiables.

Selon cette récente étude scientifique (en Anglais) réalisé par la USGS (United States Geological Survey) qui est plutôt complète car elle s'est même intéressée aux recherches précédentes concernant tout ce qui touche au méthane ; le risque a été sur-estimé. Je souligne que Paul Beckwith du "Arctic Méthane Emergency Group"  vient de réaliser 6 vidéos en Anglais de 15 minutes chaque au sujet de cette étude qu'il épluche consciencieusement et avec rationnel.

     Expliquons le méthane

Le méthane (CH4) flambe parce que c'est l'ingrédient principal dans le gaz naturel ; c'est donc un combustible fossile à base de carbone, évidemment. Le méthane est un composé, c'est donc une molécule, composé de deux éléments : un atome de carbone (C) plus 4 atomes d'hydrogène (H4).

Dans le pergélisol terrestre, les bactéries décomposent la végétation fossilisée ; si il n'y a pas d'oxygène gazeux, les microbes produisent du méthane mais si la décomposition survient où de l'oxygène est disponible, c'est du CO2 que produisent d'autres bactéries.

Rappelons le, le méthane est un gaz à effet de serre très puissant, surtout à court terme. Kg pour kg, il est 150 fois plus puissant que le CO2 lors de ses 10 premières années dans l'atmosphère et 84 fois sur 20 ans ; après 100 ans, ça tombe à 34 fois.

On le retrouve à l'état gazeux et sous forme d'hydrates de méthane. Dans des conditions de froid et/ou de pression élevée, les hydrates de méthane se forment ; c'est une molécule de méthane emprisonnée dans une cage de glace.
Lorsque les hydrates de méthane fondent, elles se dilatent violemment et occupent 168 fois leur volume initiale ; c'est ce qui cause les cratères qu'on a vu apparaître en Sibérie depuis quelques années et c'est ce qui a laissé d'antiques cratères, certains aux dimensions impressionnantes,  en plusieurs endroits des fonds océaniques ; ces cratères datent de la dernière déglaciation et en se relâchant dans l'atmosphère, le méthane a accéléré la fonte selon l'hypothèse la plus acceptée.
Sibérie : cratère causé par le dégel puis l’expansion subite d'hydrates de méthane suite au réchauffement climatique. Plus de 30 de ces cratères sont répertoriés.


À noter :
  1. on les retrouve dans le pergélisol terrestre et sous-marin 
  2. les hydrates de méthane du fond marin sont stables à de grandes profondeurs, depuis 100 à 300 mètres selon la température de l'eau
  3. le méthane s'oxyde lentement en CO2 quand il se retrouve dans l'atmosphère (demie-vie d'une douzaine d'années)
  4. quand les bulles de méthane montent dans la colonne d'eau, des microbes le décomposent si la profondeur est suffisante
  5. s'il s'échappe depuis une faible profondeur, il se retrouvera presque totalement dans l’atmosphère
  6. si un relâchement important survient des profondeurs de l'océan, une partie se retrouvera dans l'atmosphère car les bactéries n'auront pas le temps de le décomposer en CO2
  7. dans les profondeurs, des bactéries se nourrissent du méthane
  8. les poches de gaz (rose sur le graphique) dans le sol relâchent leur méthane dans l'atmosphère
Le méthane provient de plusieurs autres sources : bovins, culture du riz, dépotoirs, extraction/production de gaz et de pétrole etc. Ce n'est pas la nature qui a ajouté le plus de méthane à l'atmosphère, ce sont nos activités.

Il n'est nullement question de nier que du méthane s'échappe de l'Arctique, surtout en ce qui concerne le pergélisol terrestre comme on le voit sur la photo ci-dessous. C'est la probabilité que de grandes quantité de méthane ne s’échappent du fond de l'océan Arctique qu'on a revu à la baisse. Il faut quand même faire tout notre possible pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre afin de préserver la biosphère : zone de seulement 10 à 20 km d'épaisseur entourant la Terre.

     Les conclusions de la nouvelle étude
Avertissement : le texte qui suit est la traduction des conclusions qu'on trouve dans l'étude, vous risquez de trouver le langage aride, comme nous. Je fais un condensé à la fin de l'article.
Les concentrations atmosphériques de CO2 ont augmenté de moins de 50% depuis l'ère préindustrielle alors que les concentrations de méthane se sont accrues d'environ 150% (à cause des émissions de source humaine).
Il y a très peu d'activité végétale dans les périodes glaciaires et pas de dégel, les taux de CO2 et de méthane sont donc au plus bas. Dans les périodes interglaciaires (chaudes) la végétation reprend vie et le pergélisol dégèle, donc, les taux de CO2 et de méthane augmentent.
NOTE : LGM signifie Dernier Maximum Glaciaire (Last Glacial Maximum).
L'holocène a débuté il y a environ 10 000 ans (Wikipedia Fr).
ppM = parties par Milliard ~ ppm = parties par million
De nos jours, les hydrates de méthane se dissocient dans des terrains spécifiques en réponse au réchauffement climatique post-DMG (depuis 20 000 ans) et fort probablement aussi en raison du réchauffement depuis le début de l'ère industrielle. Néanmoins, il n'y a aucune preuve concluante que le méthane libéré entre dans l'atmosphère à un niveau qui est détectable dans le contexte des émissions de 555 Tg par an de méthane (CH4), c'est à dire environ 555 millions de tonnes. 

Les estimations du GIEC ne sont pas fondées sur des mesures directes des flux de méthane provenant de la dissociation des hydrates de gaz et de nombreux modèles numériques adoptent des simplifications qui ne tiennent pas entièrement compte des puits, de la distribution réelle des hydrates de gaz ou d'autres facteurs.
(Les puits sont les endroits dans la nature où le méthane est absorbé et/ou décomposé/oxydé.)


Océan & atmosphère : la nouvelle génération de modèles basés sur la dynamique de la circulation océanique est la plus prometteuse pour prédire avec plus de certitude le devenir des hydrates de gaz dans les scénarios de changement climatique [Kretschmer et al., 2015] et pourrait être améliorée avec une meilleure incorporation des puits.

À des latitudes élevées (nordiques), les facteurs clés contribuant à la surestimation de la contribution de la dissociation des hydrates de gaz aux concentrations atmosphériques de CH4 sont l'hypothèse que les hydrates de gaz associés au pergélisol sont plus abondants et largement distribués que ce qui est probable [Ruppel, 2015] et l'extrapolation à l'ensemble de l'océan Arctique des émissions de CH4 mesurées dans une zone. 

Dire que les hydrates de gaz (méthane toujours) comme source des émissions de CH4 sur les plateaux continentaux à haute latitude donne un certain exotisme aux résultats, mais nourrit également des scénarios catastrophes. Étant donné qu'il n'y a aucune preuve que la dissociation des hydrates de gaz joue un rôle prépondérant dans les émissions (globales) de CH4 et que plusieurs sources répandues et peu profondes de CH4 pourraient générer la plupart des rejets ; une plus grande rigueur est nécessaire.

En ce qui concerne les milieux marins, les recherches émergentes mettent en évidence la vulnérabilité des hydrates à la dissociation actuelle et future sur les pentes continentales supérieures en réponse au réchauffement des eaux des profondeurs intermédiaires. 

À la lumière des prédictions selon lesquelles des milliers de fuites de méthane restent à découvrir [Boetius et Wenzhofer, 2013; Skarke et al., 2014] sur les marges continentales dans le monde, les enquêtes devraient se concentrer sur l'identification des sites où il y a une possible dégradation des hydrates de gaz sur les talus continentaux supérieurs. Ces recherches devraient mieux établir les contraintes de la dynamique des réservoirs d'hydrates, la libération de CH4 et le cycle du carbone en réponse au forçage climatique actuel.  

Comme pour les plates-formes océaniques circum-arctiques, il est important de continuer d'étudier les sources des émissions de CH4 sur les pentes continentales supérieures pour éviter d'attribuer trop d'importance à la dissociation des hydrates et établir des liens clairs entre les émissions de CH4 et les hydrates de gaz connus est essentiel pour démontrer l'interaction des hydrates de méthane avec le climat.  

Une glace limpide d'un lac en Alaska nous montre des bulles de méthane. Bien sûr, il y a du méthane qui s'échappe de l'Arctique, mais ça fait des dizaines de milliers d'années que ça se produit.
Dans le même temps, les études paléoocéanographies focalisées devraient également jauger les limites des variations de température de l'eau de fond sur les pentes supérieures des derniers 20 000 ans, la période critique pour placer les émissions actuelles dans le contexte des changements climatiques et océanographiques depuis le dernier maximum glaciaire.
_____________

     Donc... 

Cet étude ne nie pas la possibilité qu'un relâchement important de méthane se produise, elle dit que le risque est moins élevé que ce que l'on croyait.

En gros, cette étude nous dit 4 choses.
  1. Que du méthane s'échappe de l'océan Arctique depuis 20 000 ans.
  2. Que la croissance du taux de méthane observée est principalement liée aux activités humaines.
  3. Que la fonte actuelle du pergélisol terrestre émet déjà du méthane à cause du réchauffement climatique.
  4. Qu'il y a moins d'hydrates de méthane au fond de l'Arctique que ce qu'on avait estimé.
Maintenant que nous sommes un peu rassuré, passons à la lutte contre ce réchauffement climatique dont nous sommes la seule cause, c'est démontré ça aussi.
_____________

Article complémentaire via Wally 06 qui explique comment le méthane est oxydé : Le mystère de l'oxydation du méthane dans l'océan est percé.
_____________

Récemment, nous avons appris qu'il y avait eu une hausse importante de méthane dans l'atmosphère et que cette hausse provenait apparemment de l'agriculture. Nous allons parler de cela dans un article à venir. Ce ne sont pas les sujets qui manquent.
_____________

Si je dis "nous" c'est que 5 personnes se sont récemment regroupées pour former un collectif d'auteurs et de collaborateurs et nous allons nous entre-supporter dans le but de vous fournir des articles qui nous l'espérons, seront de meilleur qualité.

il y a moi, A. Randomjack,
Yoann de Docu Climat,
Michel-Pierre COLIN du blogue L'Énergie renouvelable, c'est la vie durable,
Heel Krix du blogue LE KAVE SE REBIFFE
Wally 06 propriétaire de la collection "Notre Planète"

mercredi 1 mars 2017

Comment tout va s'effondrer - par Michel-Pierre Colin

Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes
Pablo Servigne et Raphaël Stevens

Les auteurs avaient choisi ce titre pour leur livre, mais l'éditeur a changé ce « va » en « peut » pour des raisons commerciales. C'est pourquoi il faut rétablir la certitude qui existe dans l'esprit de Pablo Servigne et de son coauteur, de l'effondrement très proche (la génération présente) du monde tel que nous le connaissons y compris celle du genre humain sur la planète Terre.

Dans les conversations on entend de plus en plus souvent des expressions comme : « on va droit dans le mur », « les animaux sont en pleine extinction des espèces », ou « pourquoi font-ils encore des grosses par les temps qui courent ». Les médias parlent de catastrophe pour les avions qui s'écrasent, les trains qui déraillent, mais ne parlent pas des catastrophes qui durent, celles qui ne suivent pas le rythme de l'actualité, comme les crises environnementales, économiques, énergétiques, climatiques, qui ont passé des points de non-retour. Toutes ces crises sont interconnectées et se nourrissent les unes des autres.

Ce livre nous apporte un immense faisceau de preuves, avec plus de 400 références, qui suggèrent que nous faisons face à des instabilités systémiques de plus en plus grandes. Elles menacent certains peuples, voire les humains dans leur ensemble, à se maintenir dans un habitat viable. Il s'agit d'un effondrement pour lequel les auteurs reprennent la définition d'Yves Cochet : « l'effondrement est le processus à l'issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis [à un coût raisonnable] à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».

Les auteurs utilisent la métaphore de la voiture pour nous expliquer les notions de limites infranchissables et de frontières transgressibles. La disponibilité du carburant est une limite infranchissable dont j'ai déjà parlé dans « Les limites à l'extraction du pétrole et autres minerais ».
En définitive, nous payons nos énergies en créant de la dette qui est reprise par nos banques centrales (en Europe au rythme de 80 milliards d'euros par mois). Maintenant que le coût de ces ressources devient trop élevé, le système basé sur la dette ne fonctionne quasiment plus. Le plus urgent pour l'avenir est de savoir combien de temps notre système économico-énergétique peut encore tenir. Nous vivons les derniers toussotements du moteur de notre voiture qui représente notre civilisation industrielle avant son extinction.

Les frontières franchissables pour notre voiture sont des sorties de route qui nous amènent sur des seuils de basculement au-delà desquels il n'est plus possible de revenir en arrière comme le réchauffement climatique qui provoque des événements extrêmes comme tempêtes, ouragans, inondations, sécheresse, pénuries d'eau, vagues de chaleur plus longues et plus intenses. On constate déjà des contrecoups comme la fonte des glaces aux pôles et des glaciers, la modification de la circulation des courants océaniques, des pénuries d'eau, la propagation de maladies contagieuses, la prolifération de ravageurs et de nuisibles, l'extinction de nombreuses espèces vivantes, la destruction des écosystèmes, la diminution des rendements agricoles, des pertes économiques, des troubles sociaux et de l'instabilité politique.

« Le dernier rapport du GIEC indique la possibilité de rupture des systèmes alimentaires qui augmentera les risques de guerres civiles et de violences intergroupes. Mais le problème de ce rapport est qu'il ne prend pas en compte les effets amplificateurs des nombreuses boucles de rétroactions climatiques, comme la libération de grandes quantités de méthane dues au dégel du pergélisol. Or, ces boucles sont susceptibles de se déclencher à partir de +3°C ou +4°C. Au-delà, il est très difficile de décrire précisément ce qui pourrait advenir. Néanmoins, les scénarios des experts sont en général unanimes et virent très rapidement à la catastrophe » (page 73).

« Pour que les paléontologues parlent de « sixième extinction de masse » il faudra arriver à ce que plus de 75% des espèces de la planète disparaissent. (N.B. 58% a été annoncé). Pourtant la société ne reconnaît pas encore le déclin de la biodiversité comme un facteur majeur de changement global, au même titre que d'autres crises qui mobilise la communauté internationale, comme le réchauffement climatique, la pollution, le trou dans la couche d'ozone ou l'acidification des océans » (page 81).

D'autres frontières planétaires ont été transgressées : le changement climatique, la biodiversité, le changement d'affectation des sols (déclin des forêts), les grands cycles biogéochimiques de l'azote et du phosphore. Ces quatre domaines sont des frontières qui ont été perturbées de manière irréversible.

L'effondrement est maintenant plus proche. Il n'est donc plus question d'arrêter net l'usage des énergies fossiles car cela mènerait à un effondrement économique, social et politique, et peut-être à la fin de la civilisation thermo-industrielle. Mais, maintenir en route le moteur de notre voiture mène à transgresser plus de frontières, donc à d'autres points de basculement climatiques, écologiques, doublé d'un effondrement du genre humain.

Nous sommes prévenus :
« Aujourd'hui nous sommes sûrs de quatre choses :
1. La croissance physique de nos sociétés va s'arrêter dans un futur proche ;
2. Nous avons altéré l'ensemble du système Terre de façon irréversible ;
3. Nous allons vers un avenir très instable, « non linéaire » (exponentiel) dont les grandes perturbations seront la norme ;
4. Nous pouvons désormais être soumis potentiellement à des effondrements systémiques mondiaux » (pages 129-130).

Y-a-t-il des signaux précurseurs d'un effondrement ? Pas vraiment. Les tentatives de développer des signaux avant-coureurs ont échoué ou ne font pas consensus pour le moment entre chercheurs. Il est conseillé d'adopter une attitude de « catastrophisme éclairé » : agir comme si ces changements abrupts étaient certains, et tout faire pour qu'ils ne se réalisent pas.

Cliquer pour agrandir
Parmi les modèles mathématiques, un seul modèle qui a plus de 45 ans est assez robuste, le modèle de Donella et Dennis Meadows. Au MIT le modèle informatique systémique World3 décrit les interactions entre les paramètres du monde, dont les plus importants sont : la population, la production industrielle, la production de services, la nourriture, le niveau de pollution et les ressources non renouvelables. Le but est de simuler le système monde sur la base des données réelles de 1972. Le premier résultat dans un scénario « business as usual » met en évidence un monde extrêmement instable qui prévoit un effondrement au XXIe siècle. La production agricole s'effondre entre 2015 et 2025, puis la population diminue. 


Les chercheurs ont modélisé des scénarios alternatifs menant à des effondrements et se sont aperçus qu'ils pouvaient stabiliser un monde soutenable en modifiant simultanément plusieurs paramètres à partir de 1980. Ces paramètres sont :
- Stabiliser la population mondiale ;
- Stabiliser (limiter) la production industrielle ;
- Diminuer les niveaux de pollution et d'érosion des sols.
Ce scénario d'équilibre devait permettre à moins de 8 milliards d'habitants de vivre à un niveau de vie proche de ce que nous connaissons. Ceci a été publié pour la 3ème fois en 2004. Les mises à jour du modèle en 1992 et 2002 ont confirmé les résultats initiaux et ont montré que rien n'a été fait pour éviter le scénario « business as usual », c'est à dire le pire scénario. Le modèle a résisté à 40 ans de violentes critiques et a corroboré 40 ans de faits.

L'effondrement de la civilisation industrielle est un predicament, mot anglais qui désigne une situation inextricable, irréversible et complexe pour laquelle il n'y a pas de solution. Mais il y a cependant des choses à faire sur le plan local pour créer les conditions résilientes de vie ultérieure. Selon l'ingénieur russo-américain Dmitry Orlov qui a étudié l'effondrement soviétique, on peut décomposer l'effondrement en cinq stades, dans un ordre de gravité croissant, constituant l'échelle d'Orlov : financier, économique, politique, social, culturel et écologique[i]

Plus sérieusement, le modèle d'effondrement systémique basé sur l'étude des dynamiques des systèmes complexes et des réseaux (pages 193-194) décrit notre civilisation comme un système hautement complexe avec (1) dépassement de points de basculement invisibles, (2) des relations de causalité non-linéaires, (3) des boucles de rétroaction amplificatrices nombreuses. Ce modèle prédit des dépassements de seuil inaperçus avec effets ultérieurs non-linéaires et brutaux. Dans des situations d'urgence notre capacité adaptative (résilience des institutions et des hommes) est réduite et nous rend moins aptes à organiser des « relances ».

Dans cet ordre d'idées, le problème majeur est le risque nucléaire. Devant le désintérêt de la génération présente à acquérir ce savoir, devant les jeunes diplômés qui quittent la filière, et devant le départ en retraite de la moitié du personnel travaillant dans les centrales nucléaires, comment va-t-on « gérer » le risque nucléaire dans des situations d'urgence ? Ces importantes pertes de compétences sont déjà de nature à déclencher un effondrement. Il faut toujours garder à l'esprit que l'arrêt définitif d'un réacteur demande un an de refroidissement et au moins une décennie pour son démantèlement avec toute l'électricité et le carburant nécessaire pour ce faire. De plus, qui pourra garantir le maintien en poste de centaines de techniciens et d'ingénieurs chargés de ces opérations ? Outre les causes d'accident déjà relevées à Tchernobyl et Fukushima, le réchauffement climatique ajoute de nouvelles instabilités comme les inondations tempétueuses et le manque d'eau de refroidissement et des effets indirects liés aux migrations comme le terrorisme et les conflits armés.

Dans l'étude de l'être humain face à l'effondrement, on ne peut écarter l'examen de la démographie. Aborder le sujet en public est absolument tabou, car cela amène toujours à la même question : « Vous voulez faire comme en Chine, c'est ça ? ». Le chiffre de 9 milliards en 2050 est une prévision mathématique sortie d'un modèle théorique qui peut s'énoncer : la population devrait arriver à 9 milliards en 2050 toutes choses étant égales par ailleurs.

Pour l'équipe Meadows au MIT, la démographie du système-Terre, marqué par l'instabilité de notre civilisation industrielle, mène à un déclin irréversible et incontrôlé à partir de 2030. L'être humain est partagé entre les imaginaires cornucopien – l'avenir est un progrès continu et illimité grâce à la technologie et à l'inventivité – et malthusien – l'avenir arrive à un moment où des limites ne permettent plus de continuer une croissance démographique continue – ce qui l'amène à alterner ces imaginaires au cours des cycles millénaires de civilisations : naissance, croissance, stagnation, déclin, puis renaissance ou extinction.

Selon Harald Welzer, la sociologie de l'effondrement montre comment une société peut lentement et imperceptiblement repousser les limites du tolérable au point de remettre en cause ses valeurs pacifiques et humanistes et sombrer dans l'inacceptable. C'est le cas des politiques de plus en plus agressives envers les migrants déjà touchés par les catastrophes. Les grandes catastrophes peuvent ainsi induire une colère généralisée des populations envers les gouvernements et les institutions dans les prochaines années.

Après une catastrophe qui suspend les activités normales et cause des dommages sérieux à une communauté, la plupart des gens montrent des comportements extraordinairement altruistes, calmes et posés. Certains prennent même des risques insensés pour aider les personnes autour d'eux. L'image d'un être humain égoïste et paniqué n'est absolument pas corroboré par les faits. Nous entrons bientôt dans l'ère de l'entraide. Par contre, en cas d'effondrement énergétique les individualistes seront les premiers à mourir. En cas d'effondrement à répétition (p.ex. effondrement boursier puis énergétique) certains seront obsédés par revenir à l'ordre antérieur, d'autres se concentreront sur la pérennité des institutions, et d'autres en profiteront pour changer l'ordre social.

Cette transition vers une autre société nous oblige à travailler notre imaginaire, donc de nous faire des récits pour inverser ces spirales de violence et de pessimisme. Des récits qui rejettent toute dissonance cognitive et tout déni. Soyons les transitionneurs qui inventent leur propre avenir. Car les initiatives de transition libèrent les gens de ces sentiments d'impuissance tellement toxique et répandue dans la population. L'urgence est de reconstruire un tissu social local solide et vivant, doté d'un climat de confiance, c'est-à-dire un véritable « capital social » qui puisse servir en cas de catastrophe.

Pourquoi « les gens n'y croient pas », c'est-à-dire la psychologie de l'effondrement tient à cette tendance des gens, lorsqu'on leur dit la vérité, à devenir pessimistes, résignés ou à juste rejeter le message. Selon Clive Hamilton dans « Requiem pour l'espèce humaine », (et aussi Paul Jorion dans « Le dernier qui s'en va éteint la lumière ») nous ne sommes pas équipés pour percevoir les dangers que représentent les menaces systémiques, ni les menaces à long terme. Nos cerveaux sont trop habitués à effectuer des problèmes immédiats et ont développé des sensibilités aux dangers concrets et visibles. C'est le problème de la grenouille et de l'eau bouillante. 


Dans le cas du déni, les gens ne trouvent pas crédible les données scientifiques ni les constats alarmants des médias, car l'obstacle c'est l'impossibilité de croire que le pire va arriver. Les données étant de plus en plus précises au fil du temps, les négationnistes continuent à changer les raisons de ne pas changer leur comportement.

Parmi les personnes qui semblent convaincues, on distingue cinq catégories de réactions : 


Les çavapétistes (« ça va péter ») montrent un imaginaire de la catastrophe très sombre, nihiliste même, montrant une colère envers la société. Cette attitude est toxique en temps de catastrophe pour l'organisation politique et sociale. 


Très fréquents, les aquoibonistes (« à quoi bon ? ») sont ceux qui disent « foutu pour foutu, profitons de ce qui nous reste ! ». Avec deux tendances, l'épicurien style Rabelais qui savoure les plaisirs de la vie, et « l'enfoiré » qui veux tout consommer ou saccager avant de partir.


De plus en plus nombreux, les survivalistes ou preppers (« à chacun sa merde ») se barricadent, s'enferment, se bunkérisent, stockent le nécessaire, s'informent sur la purification de l'eau, les plantes sauvages. Leur imaginaire c'est Mad Max et la croyance que l'être humain est profondément mauvais. 


Les transitionneurs (« on est tous dans le même bateau ») souvent non-violents, collectivistes, appellent à une transition à grande échelle, car la vie n'a plus de sens si tout s'effondre. Pratiquant l'ouverture et l'inclusion, ils sont convaincus que l'avenir est dans les éco villages, l'entraide et l'imaginaire de transition. Ils pensent « ensemble on va plus loin ». 


Les collapsologues ont une passion pour le sujet. Étudier, partager, écrire, communiquer, comprendre, devient une activité chronophage pour ces « geeks du collapse » dont les plus célèbres sont nommés « collapsniks » qui sont souvent des ingénieurs et des hommes. Ce clivage homme femme se révèle quand les hommes débattent de chiffres, de faits et de techniques, tandis que les femmes abordent les aspects émotionnels et spirituels.

Cliquer pour agrandir
Comment vivre avec, et vivre en bonne santé, consiste à voir dans la nécessaire transition psychologique un processus de deuil qui traverse cinq étapes selon le modèle de Élisabeth Kübler-Ross, psychologue américaine spécialiste du deuil : le déni, la colère, la peur (marchandage), la dépression et l'acceptation. On a constaté que les moments de témoignages et de partage d'émotions avec d'autres, permettent aux personnes présentes de prendre conscience qu'elles ne sont pas seules à affronter cet avenir et à ressentir ces émotions, à exprimer leur colère envers les hommes politiques, les dirigeants des multinationales et les climato-négationnistes, tous responsables du retard impossible à rattraper.

On ne peut pas attendre que chacun fasse son deuil avant de commencer à agir. Dans la politique de l'effondrement l'action fait partie de la « transition intérieure » qui permet dès la prise de conscience de sortir de l'état d'impuissance et maintient l'optimisme. Il n'est jamais trop tard pour construire des petits systèmes résilients à l'échelle locale, afin de mieux encaisser les chocs économiques, sociaux et écologiques à venir. 


Parmi les systèmes anticipatifs résilients, on compte les coopératives citoyennes de production d'énergies renouvelables, les groupements alimentaires locaux ou de nouveaux modèles économiques et monétaires locaux et coopératifs. Tout en permettant la coexistence de deux systèmes, l'un mourant l'autre naissant. Cette politique paradoxale à la fois catastrophiste et optimiste, pose le problème qu'il faille accepter publiquement et officiellement la mort du vieux monde, les populations réagissant par des troubles qui précipiteront ce qu'on voulait anticiper.

Les transitionneurs n'attendent pas les gouvernements, ils inventent la façon de vivre l'effondrement de manière non-tragique. Une fois « branchés » sur des petits systèmes autonomes, résilients et low tech, les transitionneurs peuvent alors « se débrancher » de l'ancien système qui risquait de les emporter dans sa chute. C'est passer de l'indépendance à l'interdépendance : une mosaïque de petites démocraties locales est-elle un projet démocratique ?

En fait, il n'y a même pas de solution à chercher à notre situation inextricable (predicament) , il y a juste des chemins à emprunter pour s'adapter à notre nouvelle réalité. L'utopie a changé de camp : l'utopiste est celui qui croit que tout peut continuer comme avant, le réaliste met toute son énergie dans la construction de résilience locale, qu'elle soit territoriale ou humaine.

La collapsologie est l'exercice transdisciplinaire de l'étude de l'effondrement de notre civilisation industrielle, et de ce qui pourrait lui succéder, en s'appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition, et sur des travaux scientifiques reconnus.
Les auteurs pensaient au début 2015 que la fenêtre d'opportunité pour éviter un effondrement global étaient déjà en train de se refermer.
« Pendant sa tournée européenne 2011-2012, Dennis Meadows, plus pessimiste que jamais, répétait dans les interviews et dans un article écrit pour l'institut Momentum :
il est trop tard pour le développement durable, il faut se préparer aux chocs et construire dans l'urgence des petits systèmes résilients » (page 173).

L'effondrement n'est pas la fin mais le début de notre avenir !




[i] L'effondrement soviétique s'est arrêté au stade politique. L'effondrement social se retrouve dans des conflits internes : guerre civile et « chacun pour soi » avec un processus de dépeuplement qui se met en place. L'effondrement culturel se produit lorsque la foi en l'humanité est perdue. Le stade d'effondrement écologique est atteint quand la possibilité de redémarrer une société ne semble plus possible à cause d'un environnement épuisé.

samedi 25 février 2017

Un risque de refroidissement rapide dans l’Atlantique Nord

Merci à global-climat pour son accord a republié son excellent articles sur ce blogue. Visitez le souvent, il regorge d'excellent articles.


Une nouvelle étude publiée dans Nature Communications alerte sur le risque de voir un refroidissement important dans l’Atlantique Nord. Pour la première fois, des chercheurs se sont focalisés sur les conséquences d’une réduction brutale de la convection océanique dans une région clé, la Mer du Labrador. Leur conclusion : même sans un effondrement de la circulation thermohaline dans son ensemble, l’Atlantique Nord pourrait connaître un sérieux coup de froid.


Une équipe d’océanographes du laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (CNRS/Université de Bordeaux) et de l’Université de Southampton vient d’évaluer pour la première fois le risque d’un refroidissement rapide dans l’Atlantique du Nord en relation avec un effondrement de la convection océanique dans la Mer du Labrador. Leurs résultats sont publiés dans Nature Communications.


La Mer du Labrador, au sud-ouest du Groenland, est une des régions de convection de l’Atlantique Nord où la formation d’eau profonde alimente un système de courants à grande échelle, la circulation océanique méridienne de retournement Atlantique, autrement connue comme AMOC ou circulation thermohaline. Avec l’AMOC, les courants océaniques en surface apportent les eaux subtropicales chaudes vers l’Atlantique Nord où, leur refroidissement les fait plonger en profondeur dans les régions de convection. 

Ils  retournent ainsi vers sud.  Ce système est donc responsable d’un transport de chaleur nette vers l’Atlantique du Nord.

Représentation schématique de la circulation dans la mer du Labrador, au cœur du gyre subpolaire schématisé par le contour rouge. Crédit : Giovanni Sgubin – EPOC.
Représentation schématique de la circulation dans la mer du Labrador, au cœur du gyre subpolaire schématisé par le contour rouge. Crédit : Giovanni Sgubin – EPOC.

A plusieurs reprises, depuis la fin de la dernière glaciation, il y a 20 000 ans, l’AMOC s’est déjà effondrée de façon brutale – en l’espace d’une décade ! – ramenant le climat à des conditions glaciaires en Europe. Dans les conditions climatiques actuelles, on estime qu’une interruption brutale de l’AMOC produirait une baisse de 5°C de la température dans l’Atlantique du Nord.


Le rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, estime qu’il y a de fortes chances pour que l’AMOC ralentisse au cours du XXIe siècle, mais cela serait très progressif. Un arrêt complet, qui entraînerait une chute rapide de la température de l’Atlantique du Nord, n’aurait que de très faibles chances de se produire au cours du siècle.


Les auteurs de l’article publiés dans Nature Communications ont réexaminé une quarantaine de modèles climatiques de dernière génération (CMIP5) en se concentrant sur la possibilité d’une interruption de la convection dans la Mer du Labrador. « Un arrêt de la convection océanique dans la Mer du Labrador n’aurait pas les mêmes effets catastrophiques qu’une interruption de la circulation thermohaline, mais cela peut avoir un impact important sur les évolutions des températures en Europe de l’ouest et dans l’est de l’Amérique », précise d’abord Giovanni Sgubin, l’auteur principal de l’étude.


« La convection dans la mer du Labrador alimente l’AMOC, mais elle contribue seulement de façon partielle au flux total de l’AMOC », continue Giovanni Sgubin. « Donc, si une interruption de la convection dans le Labrador se déclenche, l’AMOC ne va pas forcement s’interrompre ». Cela a incité les chercheurs à évaluer la possibilité d’un refroidissement dans l’Atlantique du Nord en raison de changements locaux dans la Mer du Labrador plutôt que en raison de changements à grande échelle de l’AMOC.

Circulation océanique thermohaline montrant la remontée d'eau chaude (en rouge) vers les hautes latitudes et le plongeon des eaux froides et salées (en bleu) qui reviennent vers le sud pour former une boucle (source : Wikipedia)
Circulation océanique thermohaline montrant la remontée d’eau chaude (en rouge) vers les hautes latitudes et le plongeon des eaux froides et salées (en bleu) qui reviennent vers le sud pour former une boucle (source : Wikipedia)


Normalement, avec la convection, une masse d’eau froide et dense s’enfonce dans l’océan grâce à un mélange entre eaux superficielles et eaux des profondeurs, qui provoque un flux de chaleur nette vers l’atmosphère. Il y a deux ingrédients nécessaires pour déclencher la convection dans le Labrador : des températures de l’atmosphère très froides (en hiver), et une stratification faible. La stratification mesure les variations verticales de la densité de l’eau.

Si une couche plus profonde est plus dense que la couche juste au-dessus, il y a une condition de stratification stable qui entrave le mouvement entre les deux couches et l’échange de chaleur vertical. Le changement climatique pourrait conduire à des conditions de stratification trop élevées dans la mer du Labrador pour pouvoir activer le mélange entre eaux superficielles et eaux des profondeurs en hiver et donc le phénomène de convection.


Parmi le 40 modèles climatiques étudiés, 17,5% projettent un arrêt complet de la convection dans cette région, avec comme résultat un refroidissement abrupt  (2 ou 3 degrés en moins de dix ans) de la mer du Labrador et de fortes baisses des températures dans les régions côtières de l’Atlantique Nord. Ce refroidissement lié à l’interruption de la convection est donc principalement le résultat d’une diminution drastique des échanges de chaleur entre les couches profondes de l’océan et l’atmosphère dans la région du Labrador.


Ce résultat pourrait apparaître de prime abord comme plutôt rassurant, vu que la plupart des modèles ne reproduisent pas un tel événement abrupt. Mais les chercheurs ont noté que tous les modèles ne sont pas capables de reproduire de façon réaliste la stratification dans la mer du Labrador, une variable clé pour la reproduction correcte des mécanismes de convection. Pour cette raison, ils se sont penchés sur les 11 modèles les plus capables de simuler la stratification observée. Parmi ces modèles, 45,5% montrent un effondrement des processus de mélange vertical profond dans la Mer du Labrador au cours du XXI siècle. Des processus qui se produisent normalement en hiver. En tenant compte de la fiabilité des modèles, le risque d’un refroidissement brusque en mer du Labrador apparaît donc bien plus élevé que ce qui prévu dans l’ensemble CMIP5.


Toutes les simulations reproduisant une interruption de la convection dans le Labrador, montrent qu’une diminution de salinité est le processus dominant dans le déclenchement de cet événement. Cela cause une augmentation de la stratification et l’interruption de la convection. En raison du réchauffement climatique, certains scientifiques craignent que la fonte des glaces du Groenland rejette suffisamment d’eau douce dans l’Atlantique Nord pour bouleverser la circulation océanique. Mais ce mécanisme n’a pas été pris en compte dans l’étude parue dans Nature Communications. 

Dans les modèles étudiés par Giovanni Sgubin et ses coauteurs, la diminution de la salinité dans la mer du Labrador est liée à deux phénomènes favorisés par le réchauffement climatique global : l’accélération du cycle hydrologique avec une augmentation des précipitations dans la Mer du Labrador et une changement de circulation océanique, dont une ralentissement du gyre subpolaire, c’est-à-dire de la circulation cyclonique horizontale caractérisant la Mer du Labrador.

Exemple d'un refroidissement rapide dans le gyre prédit par l'une des projections climatiques. A gauche : évolution temporelle de la température de surface de la mer. A droite : écarte entre la température de l'air à la surface de la mer, entre le début et la fin du XXIe siècle. Crédit : Giovanni Sgubin – EPOC.
Exemple d’un refroidissement rapide dans le gyre prédit par l’une des projections climatiques.
A gauche : évolution temporelle de la température de surface de la mer.
A droite : écarte entre la température de l’air à la surface de la mer, entre le début et la fin du XXIe siècle. Crédit : Giovanni Sgubin – EPOC.


Les modèles climatiques, en fait, ne simulent pas l’afflux d’eau douce issue des calottes et des glaciers. L’apport d’eau douce dans l’océan dû à la fonte des glaces du Groenland n’a donc pas pu être considéré. Mais les auteurs de l’étude ne sous-estiment pas son influence. « Vu que la diminution de salinité semble être une composante clé pour produire une interruption de la convection dans les modèles, l’apport d’eau douce du Groenland peut être une élément de plus augmentant la probabilité que cet événement abrupt se produise », précise Giovanni Sgubin.

L’un des défis de la prochaine génération de modèles climatiques est de tenir compte de ce processus. La fonte du Groenland risque donc de renforcer la conclusion de l’étude : la possible interruption de la convection dans la Mer du Labrador. Résultat, le refroidissement dans l’Atlantique Nord serait plus probable que ne le suggèrent les modèles climatiques.


Les observations récentes du climat montrent que quelque chose d’étrange se passe déjà dans l’ l’Atlantique Nord. La région subpolaire au sud de la Groenland, y compris la Mer du Labrador, est quasiment la seule du monde à ne pas s’être réchauffée depuis le début du XX siècle. On parle du soi-disant « cold blob », caractérisant une région circonscrite de l’Atlantique Nord en contre-courant avec la tendance à l’augmentation des températures observée au niveau global.

Anomalies de températures en hiver 2013 et 2016 (par rapport à la période 1900-1950) : on voit une zone froide au sud du Groenland. Source : NASA GISS.
Anomalies de températures en hiver 2013 et 2016 (par rapport à la période 1900-1950) : on voit une zone froide au sud du Groenland. Source : NASA GISS.

Ce contraste serait l’une des manifestations de l’affaiblissement de l’AMOC, selon une étude parue fin mars 2015 (Nature Climate Change), signé par des chercheurs emmenés par Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institute for Climate Research. 

Les scientifiques estimaient alors que le réchauffement climatique global dû aux émissions humaines de gaz à effet de serre avait déjà commencé à ralentir sérieusement la circulation thermohaline, de façon plus prononcée que dans les modèles climatiques. Cela serait la cause principale de l’apparition, dans les observations climatiques, d’un « cold blob » dans l’Atlantique du Nord. Or, compte tenu des résultats publiés dans Nature Communications par Sgubin et al., ce phénomène pourrait avoir une interprétation alternative : l’effet d’un changement de la convection dans la Mer du Labrador pourrait être aussi responsable d’un refroidissement local dans l’Atlantique du Nord.

Référence : Abrupt cooling over the North Atlantic in modern climate models, Giovanni Sgubin, Didier Swingedouw, Sybren Drijfhout, Yannick Mary & Amine Bennabi. Nature Communications, 15 février 2017. DOI: 10.1038/ncomms14375.

jeudi 23 février 2017

Injustices Climatiques

J'écoute et je lis des spécialistes. Ce que je raconte ici ne vient principalement pas de moi, mais j'y adhère.
Commençons par rappeler que 50% des émissions de gaz à effet de serre sont produites par les 10% les plus riches de la population ; en bref, la majorité des Occidentaux : Nous. La Chine ne vient que de prendre le premier rang des émetteurs. Ils se mettent rapidement aux énergies renouvelables, mais c'est dû au mécontentement de la population prise dans le smog toxique.
Source : The Guardian
Le 10% suivant produit 50% des émissions restantes et ainsi de suite pour chaque tranche de 10% successive...

Les coraux, plantes et animaux n'ont pas accès à la justice ; mais s'ils organisaient quand même un recours collectif? Heureusement que le ridicule ne tue pas sinon nous serions tous morts depuis longtemps.
_________________

On me dit souvent : "Ne t'en fais pas avec les changements climatiques, tu seras mort quand le pire passera..."

Ouais, on peut voir ça comme ça, mais je n'ai pas choisi ma date de naissance, j'aurais pu ne jamais naître ou venir au monde dans 25 ans. Vous avez choisi vous?

Par pur hasard, j'habite dans un pays riche et je suis donc plus à l'abri que tous ceux, beaucoup plus nombreux, venus au monde dans des pays pauvres. 

Je n'ai pas choisi la couleur de ma peau non-plus ; nous sommes tous le fruit du hasard et c'est possiblement le seul motif pour croire que nous sommes tous égaux car la couleur de notre peau, notre bagage génétique, le pays et les conditions sociales dans lesquelles nous sommes né(e)s et même notre sexe sont tous des sources d'inégalités.
_________________

Nous savons où nous en sommes et où nous allons ; mais le chemin est inconnu. Comment avons-nous fait pour nous mener au bord du gouffre? Ç'a commencé il y a 10 000 ans...

En créant l'agriculture, nous avons mis en route deux machines infernales pour la biosphère ;

1- L'agriculture est basée sur l'invasion, le dérangement, le dérèglement d'un écosystème.
On défriche, on laboure, on intoxique l'eau et les sols pour produire plus pour nourrir plus de personnes ; cela provoque l'assèchement des sols et il faut donc y amener de l'eau, ce qui dérègle un autre écosystème ; c'est une cascade de catastrophes sans fin pour les écosystèmes.

La destruction des écosystèmes est la cause principale de l'extinction d'espèces à notre époque. Les estimations varient, mais à chaque jour, 100 à 200 espèces disparaissent... pour toujours. J'y pense souvent à ces espèces "disparues pour toujours de l'Univers" avant de m'endormir...
2- Les inégalités sociales se sont pointées à cause de l'agriculture.
En étudiant toutes les cités antiques où l'agriculture a débuté, les archéologues ont constaté le même scénario : il y a toujours une plus grosse maison rattachée à un grenier qui contenait les réserves : une maison de riches. Ce sont eux qui contrôlaient la nourriture et fort possiblement d'autres ressources ainsi que la politique et la religion qui étaient indissociables à cette époque.
La classe dominante était née... À cette lointaine époque, la classe dominante devait représenter 1% de la population ; ça ne vous rappelle pas quelque chose?
Les forêts nous précèdent et nous laissons des déserts derrière nous.
L'agriculture nous a permis la croissance exponentielle de la population. Nous sommes 7,5 milliards d'humains à ce moment critique de notre courte histoire...
Pour aider à comprendre la valeur de ce nombre,
1 milliard de secondes = 31 ans et 7 mois.


http://jo-kheops.skyrock.com/3008356865-Croissance-demographique-souhaitable-article-tres-long-mais-a-lire-de.html
Puisque nous sommes dans les gros chiffres, Bill Gates a une fortune évaluée à 79.3 milliards de $ US comme on le constate sur la liste des personnes les plus riches sur Wikipédia FR.
Pas de liste des personnes les plus heureuses, mais ce ne sont certainement pas les mêmes...
_________________

La transition de chasseur-cueilleur à la vie agricole n'a pas été sans conséquences pour nous non plus : sédentarité, nourriture moins adaptée à notre antique biologie héritée de nos ancêtres, perte du contact avec la nature qui nous faisait nous interroger au lieu de travailler toute la journée, l'échine courbée... Tout ça a dû aussi avoir des conséquences sur notre psychologie et nos comportements ; ça doit avoir provoqué des dérèglements...
Les gens se comportent  maintenant en troupeau ; ils ont toujours un oeil sur leurs voisins pour voir si leurs propres comportements sont "normaux".
___________________
Déjà, des gens doivent quitter leur lieu de résidence à cause des changements climatiques que ce soit dans l'Arctique, sur certaines îles basses du Pacifique, le long des rivages sur les continents ou même en pleine ville suite à de véritables déluges.
Japon 2015, suite à des pluies diluviennes. Si on regarde de près, on voit des gens sur les balcons et dans les maisons... Ça pourrait être moi.
Les résidents du village eskimo d'Inupiat ont pris la décision de déménager leur village pourtant établi à cet endroit depuis des siècles. Mais pourront-ils payer ce déménagement? Qui devrait payer? Qu'ont-ils fait pour contribuer au réchauffement global et mériter ceci?
Source en Anglais
La situation sur les îles basses du Pacifique ressemble déjà à ceci...
Source à lire : Outremers 360°

Bangladesh : quand le sol disparaît sous l'eau. Source en Anglais :
Report: Climate change may pose threat to economic growth

Le très lourd fardeau que nous léguons aux jeunes

Cet article antérieur est inspiré d'une des vidéos du "Yoda du Climat", le très célèbre James Hansen et dans laquelle il explique qu'en plus de les précipiter dans un monde au climat de plus en plus impropre à la survie, que les générations de demain devront dépenser des sommes incommensurables pour tenter de rétablir un climat propre à la survie.

Mais c'est nous, les générations actuelles, qui devrions au moins commencer à prendre conscience de l'importance et de l'urgence de la situation et à tenter d'éviter l’emballement climatique  autrement qu'avec des voeux pieux...

Ce sont des gestes concrets qu'il nous faut poser. Nous devons absolument restreindre notre consommation, source des gaz à effet de serre et de la pollution qui nous tue.  En inde, 2 personnes à la minute meurent directement des causes de la pollution atmosphérique, source.

Nous devons nous battre contre nos institutions, nos gouvernements pour les forcer à poser des actes pour le bien de tous et non seulement pour le 1% le plus fortuné, c'est-à-dire les propriétaires des grandes corporations qui font des milliards sans se soucier du reste de la populace ni de notre mince biosphère. Pour les mêmes raisons, nous devons nous battre contre nous-mêmes, contre notre pulsion consumériste qui n'apporte qu'une satisfaction éphémère, comme toutes les dépendances..
Je ne sais pas comment au juste sera le futur, mais j'imagine d'abord des gens appauvris qui devront possiblement payer cher pour de l'eau décontaminée, pour de l'air qui soit respirable, pour de la nourriture raréfiée, pour soigner les maladies plus nombreuses ; une sorte d’âge sombre et dystopien dans lequel les conflits de toutes tailles occuperont la plupart des gens la plupart du temps... Mais ça pourrait être encore bien pire...

Si un jour les humains du futur, s'il en reste, découvrent le moyen de voyager vers le passé, ils vont venir nous botter le postérieur. Mais si le voyage vers le passé était possible, nos postérieurs seraient déjà meurtris :-)
Le futur commence aujourd'hui, à nous de le changer, à nous de résister, surtout à nous-même.
Un nouveau jour se lève, ce qui nous brouille la conscience se dissipe ; le futur commence maintenant. Quels seront mes choix et mes actions pour tenter de protéger la Vie?