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Une nouvelle étude publiée dans Nature Communications alerte sur le
risque de voir un refroidissement important dans l’Atlantique Nord.
Pour la première fois, des chercheurs se sont focalisés sur les
conséquences d’une réduction brutale de la convection océanique dans une
région clé, la Mer du Labrador. Leur
conclusion : même sans un effondrement de la circulation thermohaline
dans son ensemble, l’Atlantique Nord pourrait connaître un sérieux coup
de froid.
Une équipe d’océanographes du laboratoire
Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux
(CNRS/Université de Bordeaux) et de l’Université de Southampton vient
d’évaluer pour la première fois le risque d’un refroidissement rapide
dans l’Atlantique du Nord en relation avec un effondrement de la
convection océanique dans la Mer du Labrador. Leurs résultats sont
publiés dans Nature Communications.
La Mer du Labrador, au sud-ouest du
Groenland, est une des régions de convection de l’Atlantique Nord où la
formation d’eau profonde alimente un système de courants à grande
échelle, la circulation océanique méridienne de retournement Atlantique,
autrement connue comme AMOC ou circulation thermohaline. Avec l’AMOC,
les courants océaniques en surface apportent les eaux subtropicales
chaudes vers l’Atlantique Nord où, leur refroidissement les fait plonger
en profondeur dans les régions de convection.
Ils retournent ainsi
vers sud. Ce système est donc responsable d’un transport de chaleur
nette vers l’Atlantique du Nord.
A plusieurs reprises, depuis la fin de la
dernière glaciation, il y a 20 000 ans, l’AMOC s’est déjà effondrée de
façon brutale – en l’espace d’une décade ! – ramenant le climat à des
conditions glaciaires en Europe. Dans les conditions climatiques
actuelles, on estime qu’une interruption brutale de l’AMOC produirait
une baisse de 5°C de la température dans l’Atlantique du Nord.
Le rapport du GIEC, le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat, estime qu’il y a de
fortes chances pour que l’AMOC ralentisse au cours du XXIe siècle, mais
cela serait très progressif. Un arrêt complet, qui entraînerait une
chute rapide de la température de l’Atlantique du Nord, n’aurait que de
très faibles chances de se produire au cours du siècle.
Les auteurs de l’article publiés dans Nature Communications
ont réexaminé une quarantaine de modèles climatiques de dernière
génération (CMIP5) en se concentrant sur la possibilité d’une
interruption de la convection dans la Mer du Labrador. « Un arrêt de la
convection océanique dans la Mer du Labrador n’aurait pas les mêmes
effets catastrophiques qu’une interruption de la circulation
thermohaline, mais cela peut avoir un impact important sur les
évolutions des températures en Europe de l’ouest et dans l’est de
l’Amérique », précise d’abord Giovanni Sgubin, l’auteur principal de
l’étude.
« La convection dans la mer du Labrador
alimente l’AMOC, mais elle contribue seulement de façon partielle au
flux total de l’AMOC », continue Giovanni Sgubin. « Donc, si une
interruption de la convection dans le Labrador se déclenche, l’AMOC ne
va pas forcement s’interrompre ». Cela a incité les chercheurs à évaluer
la possibilité d’un refroidissement dans l’Atlantique du Nord en raison
de changements locaux dans la Mer du Labrador plutôt que en raison de
changements à grande échelle de l’AMOC.
Normalement, avec la convection, une
masse d’eau froide et dense s’enfonce dans l’océan grâce à un mélange
entre eaux superficielles et eaux des profondeurs, qui provoque un flux
de chaleur nette vers l’atmosphère. Il y a deux ingrédients nécessaires
pour déclencher la convection dans le Labrador : des températures de
l’atmosphère très froides (en hiver), et une stratification faible. La
stratification mesure les variations verticales de la densité de l’eau.
Si une couche plus profonde est plus dense que la couche juste
au-dessus, il y a une condition de stratification stable qui entrave le
mouvement entre les deux couches et l’échange de chaleur vertical. Le
changement climatique pourrait conduire à des conditions de
stratification trop élevées dans la mer du Labrador pour pouvoir activer
le mélange entre eaux superficielles et eaux des profondeurs en hiver
et donc le phénomène de convection.
Parmi le 40 modèles climatiques étudiés,
17,5% projettent un arrêt complet de la convection dans cette région,
avec comme résultat un refroidissement abrupt (2 ou 3 degrés en moins
de dix ans) de la mer du Labrador et de fortes baisses des températures
dans les régions côtières de l’Atlantique Nord. Ce refroidissement lié à
l’interruption de la convection est donc principalement le résultat
d’une diminution drastique des échanges de chaleur entre les couches
profondes de l’océan et l’atmosphère dans la région du Labrador.
Ce résultat pourrait apparaître de prime
abord comme plutôt rassurant, vu que la plupart des modèles ne
reproduisent pas un tel événement abrupt. Mais les chercheurs ont noté
que tous les modèles ne sont pas capables de reproduire de façon
réaliste la stratification dans la mer du Labrador, une variable clé
pour la reproduction correcte des mécanismes de convection. Pour cette
raison, ils se sont penchés sur les 11 modèles les plus capables de
simuler la stratification observée. Parmi ces modèles, 45,5% montrent
un effondrement des processus de mélange vertical profond dans la Mer du
Labrador au cours du XXI siècle. Des processus qui se produisent
normalement en hiver. En tenant compte de la fiabilité des modèles, le
risque d’un refroidissement brusque en mer du Labrador apparaît donc
bien plus élevé que ce qui prévu dans l’ensemble CMIP5.
Toutes les simulations reproduisant une
interruption de la convection dans le Labrador, montrent qu’une
diminution de salinité est le processus dominant dans le déclenchement
de cet événement. Cela cause une augmentation de la stratification et
l’interruption de la convection. En raison du réchauffement climatique,
certains scientifiques craignent que la fonte des glaces du Groenland
rejette suffisamment d’eau douce dans l’Atlantique Nord pour
bouleverser la circulation océanique. Mais ce mécanisme n’a pas été pris
en compte dans l’étude parue dans Nature Communications.
Dans
les modèles étudiés par Giovanni Sgubin et ses coauteurs, la diminution
de la salinité dans la mer du Labrador est liée à deux phénomènes
favorisés par le réchauffement climatique global : l’accélération du
cycle hydrologique avec une augmentation des précipitations dans la Mer
du Labrador et une changement de circulation océanique, dont une
ralentissement du gyre subpolaire, c’est-à-dire de la circulation
cyclonique horizontale caractérisant la Mer du Labrador.
Les modèles climatiques, en fait, ne
simulent pas l’afflux d’eau douce issue des calottes et des glaciers.
L’apport d’eau douce dans l’océan dû à la fonte des glaces du Groenland
n’a donc pas pu être considéré. Mais les auteurs de l’étude ne
sous-estiment pas son influence. « Vu que la diminution de salinité
semble être une composante clé pour produire une interruption de la
convection dans les modèles, l’apport d’eau douce du Groenland peut être
une élément de plus augmentant la probabilité que cet événement abrupt
se produise », précise Giovanni Sgubin.
L’un des défis de la prochaine
génération de modèles climatiques est de tenir compte de ce processus.
La fonte du Groenland risque donc de renforcer la conclusion de l’étude :
la possible interruption de la convection dans la Mer du Labrador.
Résultat, le refroidissement dans l’Atlantique Nord serait plus probable
que ne le suggèrent les modèles climatiques.
Les observations récentes du climat
montrent que quelque chose d’étrange se passe déjà dans l’ l’Atlantique
Nord. La région subpolaire au sud de la Groenland, y compris la Mer du
Labrador, est quasiment la seule du monde à ne pas s’être réchauffée
depuis le début du XX siècle. On parle du soi-disant « cold blob »,
caractérisant une région circonscrite de l’Atlantique Nord en
contre-courant avec la tendance à l’augmentation des températures
observée au niveau global.
Ce contraste serait l’une des manifestations de l’affaiblissement de l’AMOC, selon une étude parue fin mars 2015 (Nature Climate Change), signé
par des chercheurs emmenés par Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institute
for Climate Research.
Les scientifiques estimaient alors que le
réchauffement climatique global dû aux émissions humaines de gaz à effet
de serre avait déjà commencé à ralentir sérieusement la circulation
thermohaline, de façon plus prononcée que dans les modèles climatiques.
Cela serait la cause principale de l’apparition, dans les observations
climatiques, d’un « cold blob » dans l’Atlantique du Nord. Or, compte
tenu des résultats publiés dans Nature Communications par Sgubin et al.,
ce phénomène pourrait avoir une interprétation alternative : l’effet
d’un changement de la convection dans la Mer du Labrador pourrait être
aussi responsable d’un refroidissement local dans l’Atlantique du Nord.
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