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vendredi 2 juin 2017

La sombre histoire du "pas vraiment sécuritaire" 2°C

Je retrace les moments les plus importants de l'histoire méconnue du 2°C, cette limite qu'on estime maintenant beaucoup plus "dangereuse" pour l'humanité. Comme l'a dit James Hansen "2°C est une garantie de désastre à long terme".

__________

Rien ne permet d'affirmer que cette limite est "sécuritaire".  Il y a de plus en plus d'événements météo extrêmes, et tout laisse présager que le réchauffement va se poursuivre et même s'accélérer. Souvenons-nous que 93% du réchauffement va sans les océans et qu'ils se réchauffent dangereusement et à grande vitesse (article antérieur). Nous étions, fin 2016 à 1,2°C de réchauffement atmosphérique global moyen, 1,4°C si on se sert de l'an 1750 comme référence (selon les travaux de Michael Mann).

     D'où vient ce 2°C?

(Article source en Anglais)
Dans les années 1970, un professeur d'économie de l'université Yale, William Nordhaus, a fait allusion au danger de dépasser la limite de 2°C car cela propulserait le climat dans une zone non familière aux humains.

Voici les prévisions qu'il a faite avec les moyens de l'époque. Surprenant comment il est presque dans le mille. Cela signifie que la science du réchauffement climatique était déjà passablement robuste à l'époque, l'effet des gaz à effet de serre étant connu depuis 1875 grâce aux travaux de John Tyndall en thermodynamique.

C'est quand même relativement facile (pas pour moi) de calculer la quantité de réchauffement si on connaît les quantités et les effets des gaz à effet de serre, on peut calculer l’absorption de chaleur au mètre carré. Ce qui est (encore) plus difficile à comprendre et à prévoir, ce sont les impacts de ce réchauffement qu'on sait déjà bien pires que prévus.

Le réchauffement "officiel" fin 2016
Poursuivons l'histoire...

En 1990. Une équipe de chercheurs du " Stockholm Environment Institute", appuyée sur les informations scientifiques de l'époque, ont suggéré une limite de 2°C afin d'éviter les pires impacts. Ils nous ont aussi prévenus que dépasser les 2°C, les risques seraient plus grands.

Leur rapport dit aussi  que "dépasser 1°C de réchauffement pourrait déclencher des réponses rapides, imprévisibles et non linéaires (exponentielles donc) qui risqueraient de causer des dommages considérables aux écosystèmes", ce que nous appelons maintenant les boucles auto-amplificatrices du système climatique. Le rapport dit aussi qu'il n'y a rien de sécuritaire à 2°C de réchauffement. (On nous aurait donc menti?)

Peu après la parution de cette étude, 2°C est apparu dans le discours politique. (Vous auriez choisi 1°C ou 2°C vous?)

En 1992, les "leaders du monde" ont signé le Cadre des Nation-Unies (ONU) à propos du changement climatique au Sommet de la Terre à Rio ; une convention obligeant les pays à "stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui préviendrait la dangereuse interférence anthropogénique (la nôtre) avec le système climatique". (Il y a eu d'autres Sommets de la Terre)

Ensuite, en 1996, Conseil européen de l'Environnement est devenus le premier corps politique à soutenir la proposition de 1992 et ont déclaré que : "la température moyenne globale ne devrait pas dépasser 2°C au-dessus de la moyenne préindustrielle".
(1750 est considéré par les climatologues comme le début de l'ère préindustrielle. La moyenne dont se sert le GIEC et les COP est de 1850 à 1900 est le début le l'ère industrielle. Mais les politiciens, spécialistes du double langage, disent "ère préindustrielle" alors qu'ils parlent vraiment du début de l'ère industrielle qui a commencé un siècle plus tard).

Un an plus tard (en 1997), 193 pays ont signé la première entente contraignante selon le Protocole de Kyoto. Le traité impose des limites aux émissions des pays en tenant compte de leur contribution historique au réchauffement climatique et la capacité de mettre en oeuvre des politiques dans le but de réduire pour 2012 les émissions globales de 5% par rapport aux niveaux de 1990. (Depuis 1992, nos émissions ont augmenté de 60%). 2°C n'a pas été mentionné lors de ces rencontres, ce sont les médias qui ont publié ce chiffre.

Nous suivons actuellement la trajectoire du scénario RCP 8,5 (orangé) c'est le pire des scénarios. Cette trajectoire nous garantit 3,2°C à 5.4°C et possiblement plus pour 2100 ; c'est l'équivalent d'un suicide collectif : y'a pas d'autres mots.
 
Quand le traité a formellement pris effet en 2005, il était signé par près de 160 pays. Par contre, l'absence du plus important émetteur de l'époque, les États-Unis ont refusé de signer mais se disaient ouverts à une entente globale sans toutefois vouloir aller aussi loin que le protocole de Kyoto.

La limite de deux degrés était un point de contestation particulier pour les diplomates américains, montrant combien il était symboliquement important. Lors du sommet du G8 en 2008, ils auraient cité des références aux deux degrés C à partir d'un projet de conclusion du sommet proposé par la chancelière Merkel.

Un éditorial conjoint (article en Anglais) publié dans 56 journaux à la veille de la COP 15 à Copenhague en 2009 disait ceci :
"La science est complexe, mais les faits sont clairs. Le monde doit prendre des mesures pour limiter la température à 2°C, une cible qui exigera les émissions globales de plafonner d'ici 5 à 10 ans. Une hausse plus élevée, tel 3°C à 4°C – l'augmentation la plus faible à laquelle on doit s'attendre en cas d'inaction – assécherait les continents et transformerait les terres agricoles en désert. La moitié de toutes les espèces s'éteindrait, des millions d'humains seraient déplacés et des nations seraient englouties par la montée des océans."
Malgré toutes les attentes et les pressions, la COP a échoué (à cause des climatonégationnistes) encore une fois à convaincre tous les pays à signer cet accord (article en Anglais). Ce sont bien sûr les États-Unis qui ont encore refusé (à cause du lobby du pétrole).

Finalement, c'est l'année suivante lors de la Conférence de Cancún de 2010 sur le climat que la limite de 2°C sera enchâssée dans les politiques climatiques internationales contraignant les gouvernements du monde à maintenir le réchauffement global moyen sous les 2°C.

Puis vint Paris et 1,5°C... Tous les climatologues sérieux savent que ce sera impossible de rester sous les 1,5°C et ils l'ont dit au lendemain de la COP 21.
"Les promesses faites lors de cette COP 21 nous garantissent de 3°C à 4°C de réchauffement avant la fin de ce siècle.

Ce graphique est basé sur le scénario RCP8,5, le pire des scénarios et c'est la trajectoire sur laquelle nous sommes. Et la spirale s’arrête à 2100, et ensuite...?

Et nous savons que ce scénario RCP8.5 ne tient pas compte de plusieurs boucles auto-amplificatrices  du système climatique ; ils en ignoraient l'existence d'une trentaine qui ont été découvertes depuis.

Pour avoir un petit aperçu d'un futur pas très lointain : La Très Controversée Étude du Célèbre James Hansen et son Équipe

2°C ne sera qu'étape de plus et le réchauffement climatique va se poursuivre jusqu'à..?

vendredi 26 mai 2017

Un sérieux avertissement d'extinction massive ; la désoxygénation des océans


Si le ridicule ne tue pas, comment se fait-il que l'humanité ai déclenché une extinction massive?
     Les scientifiques sonnent l'alarme (qui devrait être générale)

Nous parlons toujours d'indicateurs climatiques, tel le taux de CO2, la hausse des températures, le nombre croissant d'événements météo extrêmes, etc. mais ce sont des indicateurs de changements climatiques.
La désoxygénation des océans est un indicateur d'extinction massive.

Plus l'eau est chaude et moins elle contient d'oxygène et les océans se réchauffent très rapidement comme on l'a vu dans ce récent article ; soit l'équivalent thermique de 12 bombes atomiques comme celle qui a détruit Hiroshima à chaque seconde... révèlent les nouvelles données.
Earth nullschool (19 mai 2017) Anomalies de température des surfaces océaniques comparés à la moyenne quotidienne (1981-2011).
Ça vaut la peine de lire ce que dit Wikipédia au sujet de l'Océan.

Les océans occupent 70,8% de la surface de notre planète et ils sont essentiels pour tout ce qui vit car, entre autres, environ 60% de l'oxygène (les estimations varient de 50% à 75%) que la vie utilise est produite par le phytoplancton dans les océans. Depuis les années 1950, on estime que 40% du phytoplancton a disparu, très probablement à cause de l'acidification des océans (un autre signal d'extinction massive) qui sont 30% plus acides comparés aussi à la même époque. Leur taux d'acidité augmente d'environ 5% par décennie et c'est le CO2 qui en est le principal responsable et le SO2 produit par la combustion du charbon dans une faible mesure, mais souvenons-nous des pluies acides.

Le taux d'oxygène dissout dans les océans décroît de façon plus qu'inquiétante, et la diminution s'accélère. Le taux d'oxygène des océans décroit plus rapidement que leur température monte. Tout l'oxygène dans les océans provient de la surface.

La couleur bleue montre un faible taux d'oxygène.

Il y a une autre cause à la désoxygénation des océans, ce sont les rejets agricoles et principalement, les nitrates utilisés dans les engrais. Cela favorise ainsi la croissance d'algues, parfois toxiques, qui consomment une grande quantité d'oxygène lors de leur décomposition qui se fait en masse.
Invasion d'algues causée par les rejets agricoles et le réchauffement.
Une eau de surface plus chaude capture moins d'oxygène de l'atmosphère que de l'eau plus froide. De plus, l'eau de surface plus chaude accroît la stratification et ainsi les eaux profondes reçoivent moins d'oxygène ; il y a moins de circulation verticale lorsqu'il y a une couverture d'eau trop chaude.

Rappelons que lors de l'extinction Permien-trias il y a 250 millions d'années, 95% des espèces marines dans les océans se sont éteintes, et plus de 70% des espèces terrestres, incluant beaucoup de végétation. La désoxygénation représente presque certainement le plus grand risque pour tout ce qui vit.

Le dr. Peter Ward, spécialiste des extinctions massives, dit que les extinctions massives dues au réchauffement du climat débutent dans les océans et se propagent sur terre, et nous savons aussi que l'oxygène devient très rare sur la planète dans ce type d'extinction massive. On dit aussi que ce sont les créatures pesant moins de 3 kg qui ont le plus de chance de survie dans des conditions d’extinctions massives.

Ce sujet, finalement reconnu urgent, a été discuté pour la première fois à la COP22 de Marrakech en novembre 2016 (Bilan de la COP22).
La désoxygénation des océans est ce qui produit les mortelles zones mortes dont j'ai déjà parlé dans des articles antérieurs. Quand ces zones se forment ou se déplacent, toute la vie qui s'y retrouve piégée meurt, suffoquée. On retrouve souvent des milliers de créatures marines mortes sur les plages parfois à cause de ces zones mortes, parfois à cause d'une éclosion d'algues toxiques.

Zones mortes ou qui subissent une diminution notable du taux d'oxygène.

Dans cette étude (en Anglais), on prévoit que les zones mortes seront "largement répandues" vers 2030-2040. Dans celle-ci (aussi en Anglais), on dit que la désoxygénation des océans à l'époque du Jurassique a duré 1 million d'années.

Ces zones mortes se retrouvent souvent près des côtes car c'est là que l'eau est généralement la plus chaude. On remarque une grande zone désoxygénée autour de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Il y a quelques mois, on a rapporté des milliers de poissons et crustacés morts (article source)sur la côte Ouest de la Nouvelle-Écosse, on comprend maintenant pourquoi.

     Sulfure d'hydrogène

Ces zones mortes sont souvent envahies par des colonies de bactéries qui produisent du sulfure d'hydrogène, un gaz mortel même à faible concentration (seulement 200 ppm) et qui se répand aussi dans l'atmosphère. Ce gaz ne se retrouve pas que dans les océans, on en retrouve aussi dans les égouts et c'est aussi un risque important dans les fermes porcines et plus précisément près des fosses à purin.
Joggeur décédé en Bretagne : intoxication au sulfure d’hydrogène confirmée.

Émissions de sulfure d'hydrogène le long de la côte Namibienne en 2010
     Les procédés qui mènent à une extinction massive causé par un réchauffement global

Personne ne peut prévoir de date ou d'année, ce n'est pas comme avec un météorite ou une comète. Seule certitude, à moins qu'on ne trouve un remède miracle, la 6e extinction massive de l'histoire de la Terre est en route et nous sommes dans la galère.

  • Émissions de gaz à effet de serre, pincipalement du CO2 de source volcanique en ce qui concerne les extinctions précédentes et qui se fait sur des milliers, voir des dizaines de milliers d'années (nous avons réussi à faire ça en moins de 300 ans et beaucoup plus intensément depuis 1950-1975)
  • Et/ou émissions de méthane si l'Arctique s'est trop réchauffée
  • Ce CO2 provoque le réchauffement climatique et l'acidification des océans
  • Le réchauffement des océans cause une baisse du taux d'oxygène dans les océans
  • Les zones mortes océaniques se développent, se multiplient et prennent de l'ampleur
  • L'acidification des océans provoque la mort lente du phytoplancton, principal générateur d'oxygène de la planète
  • Les zones mortes émettent du sulfure d'hydrogène qui tue aussi bien sur terre que dans l'eau
  • La production d'oxygène cesse presque totalement 
      La liste des articles anglophones qui m'ont servi de sources d'information

http://climatenewsnetwork.net/warming-waters-risk-damage-by-nitrite-pollution/

https://www.sciencedaily.com/releases/2016/04/160427150914.htm

https://www.sciencedaily.com/releases/2017/05/170504104346.htm

https://www.sciencedaily.com/releases/2017/02/170215131546.htm

https://www.sciencedaily.com/releases/2017/05/170512081327.htm

http://www.fasterthanexpected.com/2017/05/10/ocean-oxygen-decline-greater-than-predicted/

http://www.fasterthanexpected.com/2017/05/08/carbon-pollution-is-suffocating-ocean-life-and-speeding-up-the-next-mass-extinction/

Et bien sûr les conférences de Peter Ward sur You Tube.

dimanche 7 mai 2017

Un tour complet du pergélisol (mis à jourle 1er juin 2020)

Le pergélisol représente un important risque climatique qui est, de par sa nature, difficilement quantifiable. Son dégel va relâcher d'importantes quantités de gaz à effet de serre : du CO2 et du méthane. Le méthane qui possède un très puissant et rapide potentiel de réchauffement, s'oxyde en CO2 au fil des ans. Ce pergélisol est congelé depuis environ 300 000 ans.

On distingue  le pergélisol sous-marin et le pergélisol terrestre. Nous avons vu le pergélisol sous-marin dans cet article. Il ne représente apparemment plus un risque aussi élevé ou imminent que lorsqu'on le surnommait "la bombe méthane". Mais il faut continuer de l'étudier et le surveiller de près.

Le pergélisol (terrestre) couvre un cinquième de la surface du globe, principalement en Arctique. Il y en a un peu en Antarctique et aussi en altitude en-dessous de certains glaciers. Il est qualifié de pergélisol s'il reste gelé pendant deux années de suite ou plus.

Si le pergélisol représente un important risque climatique, c'est qu'il contient beaucoup de matière organique de source végétale qui, en se  décomposant, émet du méthane quand il n'y a pas d'oxygène disponible pendant la décomposition (comme en milieu humide), ou qui émet du CO2 quand de l'oxygène est disponible pour la décomposition (à l'air libre). La décomposition est faite par des milliards de milliards de bactéries, il faut le rappeller.

Plusieurs articles au sujet du pergélisol et du méthane sont parus depuis quelques mois. Commençons par celui-ci :

7 000 imposantes bulles de méthane dans le sol Sibérien prête à exploser (en Anglais).
Quand des hydrates de méthane explosent, ça laisse parfois des cratères semblables à celui-ci. Il paraît qu'il y aura bientôt des cratères similaires dans l’Arctique canadien et en Alaska car la Sibérie se réchauffe plus rapidement.
Le méthane se retrouve sous deux formes : à l'état de bulles de gaz ou contenu dans de complexes cages de glace que l'on appelle hydrate de méthane, c'est la glace qui brûle. Ces hydrates de méthane se forment sous haute pression (profondément dans l'océan ou le sol) et/ou s'il fait assez froid, et donc même dans le pergélisol terrestre.

On considère que les cratères comme celui ci-dessus sont causés par des hydrates de méthane. Car quand ceux-ci fondent, ils explosent pour occuper 168 fois leurs volume : 1 mètre cube devient donc 168 mètres cubes en un instant, ce qui est plutôt explosif.

Aussi, ce gaz s'enflamme facilement, après tout, c'est du gaz naturel. Sur des lacs gelés en Arctique, on repère des bulles de méthane sous la glace, on la perce en mettant le feu et VOUF!
Nous le savons, le méthane est un très puissant gaz à effet de serre. Il est 150 fois plus puissant que le CO2 lors de ses 10 premières années dans l'atmosphère, (c'est une rumeur persistante dont j'ignore la source ; je n'ai trouvé aucune référence dans la littérature scientifique sur ce 150 fois après de multiples recherches) C'est donc ±84 fois le CO2 après 20 ans et 34 fois après 100 ans. Au fil du temps, le méthane se dégrade en CO2, vapeur d'eau et autres, rien pour améliorer notre sort.

Autre différence notable avec le CO2, l'action "effet de serre" du méthane se produit instantanément alors que ça prend une décennie avant que le CO2 n'atteigne son plein potentiel de réchauffement après avoir été émis dans l'atmosphère.

Un autre article : Un important dégel de pergélisol documenté au Canada laisse prévoir d'importantes émissions de carbone (en Anglais)

Une étude montre que 135 000 km/2 de pergélisol se détériore rapidement dans le Nord-Ouest Canadien. Il faut rappeller que les gaz à effet de serre devraient s'échapper plutôt lentement ; le dégel du pergélisol prend un certain temps et il tend a regeler lors des hivers, mais ceux-ci sont de moins en mois rigoureux.
La fonte du pergélisol altère le paysage sur de grandes distances.
À mesure que le pergélisol se désintègre, de grande quantités de boues riches en carbone sont envoyées dans les cours d'eau. La dégradation du pergélisol s'intensifie et provoque des glissements de terrain qui vont étouffer la vie dans les lacs et rivières et jusque dans l'Arctique.

De pareils changements s'opèrent aussi en Alaska, en Sibérie et en Scandinavie : le sol se dérobe.
Quand le pergélisol dégèle.
Encore une fois, c'est "plus que prévu", 20% de plus... On prévoit, selon cette étude en Anglais que "4 millions de kilomètres carrés de sol gelé pourraient être perdus pour chaque degré supplémentaire de réchauffement. Actuellement, le permafrost couvre une surface de 15 millions de km²" source Global-Climat.

Dans cet article en Anglais, on précise entre autres choses qu'il est très difficile de savoir quel pourcentage du pergélisol sera émis en gaz à effet de serre et même vers quel type de gaz ils seront décomposés. Donc, impossible de formuler des estimations valables sur le réchauffement subséquent.
C'est le moment de vous rappeler que l'Arctique se réchauffe au moins 2 fois plus rapidement que le reste de la surface du globe.
En Sibérie, c'est presque l'enfer que l'on peut contempler sous le pergélisol qui y dégèle avec une rapidité extraordinaire comparé au Canada ou à l'Alaska. C'est ce que dit cet article en Anglais d'où l'image ci-dessous a été tirée.

"L'entrée vers le monde souterrain" comme le nomme les (rares) habitants locaux. Au fond de cet effondrement de pergélisol en Sibérie, on y trouve une forêt millénaire.
On voit sur cette carte à quel point il a fait chaud en Sibérie (zone rouge sombre à droite) durant la période Janvier-Mars 2017.
2017 est la 4e année de suite de chaleur hivernale excessive pour cette partie du monde (en Anglais).
Dans le cercle arctique, il y a à peine 20 ans, les forêts étaient encore très généralement enneigées fin avril. De nos jours, les forêts flambent... incroyable! Robert Scribbler raconte l'invraisemblable dans cet article en Anglais. C'est un autre indicateur qui montre à quel point l'Arctique se réchauffe rapidement.

Cette étude scientifique (en Anglais) menée par des scientifiques du Laboratoire national Lawrence Berkeley du Département de l'énergie (Berkeley Lab), estime que les sols pourraient libérer beaucoup plus de CO2 que prévu dans l'atmosphère alors que le climat réchauffe.

Les scientifiques ont découvert qu'en réchauffant la surface du pergélisol et en profondeur jusqu'à 100 cm, sur 3 points de mesure on observe une augmentation du taux des émissions de CO2 de 34% à 37% par rapport a du pergélisol non-chauffé. Beaucoup de CO2 émis trouvait son origine dans les couches plus profondes, ce qui indique une plus grande sensibilité au réchauffement des couches profondes (celles qui vont dégeler plus tard).

Les résultats démontrent qu'il y a potentiellement une vaste incertitude en ce qui concerne les prévisions climatiques (pour la fin du siècle). Le taux d'émission de CO2 pourrait dépasser de 30% les émissions humaines. Les prévisions (du GIEC) estimaient que les sols pourraient se réchauffer de 4°C. Ce qui laisse présager d'importantes émissions de gaz à effet de serre venant du pergélisol qui pourraient facilement faire grimper la température de 2°C supplémentaire pour très possiblement dépasser les cataclysmiques 6°C de réchauffement et répandre combien de milliers de térajoules de chaleur dans les océans...

     Le pergélisol Antarctique

Le pergélisol de l'Antarctique commence aussi à dégeler, mais seulement 25% de l'Antarctique est recouvert de pergélisol (environ 3 500 000km2), il n'y a pas de pergélisol sous la glace en Antarctique. Le pergélisol se retrouve principalement dans les "Dry Valleys" (vallées sèches) près de la côte de la mer de Ross. 
Photo : Mike White
Ce pergélisol fond pour une raison hors de l'ordinaire : une diminution de la couverture nuageuse y fait augmenter le niveau d'ensoleillement et c'est cet ensoleillement supplémentaire qui fait fondre le pergélisol dans les "Dry Valleys" comme l'explique cet article en Anglais.
2010, 2011, 2012. Le retrait du pergélisol sur la falaise est évident.
Levy (l'auteur de l'étude) a documenté à l'aide d'un instrument LIDAR et de séquences photographiques un retrait rapide de la glace au sol dans la vallée de Garwood ; des taux de dégel comparables aux taux de dégel les plus faibles observés sur les côtes de l’Arctique ainsi qu'au Tibet.

En conclusion, le pergélisol dégèle presque partout. Les estimations de la contribution au réchauffement global du CO2 et du méthane qui s'échappent du pergélisol varient beaucoup pour l’horizon 2100 pour lequel on prévoit déjà 3°C à 6°C.

On commence à faire des études pointues à ce sujet. Ceci dit, le CO2 et le méthane émis par le pergélisol (terrestre) pourrait ajouter 1°C à 2°C de réchauffement sans sombrer dans l'exagération. 
Pour chaque degré de réchauffement ajouté par les gaz à effet de serre, l'accroissement de la teneur en vapeur d'eau de l'atmosphère augmente assez pour doubler le réchauffement dû aux seuls gaz à effet de serre.
     Mis à jour le 9 mai 2017

Je viens de lire cet article en Anglais dont le titre est : Nous savions tous que ça approchait : Le sol de l'Alaska relâche du CO2 dans l'atmosphère

Une nouvelle étude publiée dans le "Proceedings of the National Academy of Sciences" suggère que le pergélisol dans le Nord relâche dans l'atmosphère une quantité croissante de CO2 à mesure qu'il fond en été et est incapable de regeler en hiver comme auparavant.
Sur une grande région, nous observons un accroissement substantiel de la quantité de CO2 qui s'échappe à l'automne (quand le sol est le plus chaud suite à l'été). Nous savions tous que ça allait arriver, mais je suis étonné qu'on puisse le constater dès maintenant.
Roisin Commane, scientifique de l'atmosphère, Harvard, et auteur principal de l'étude.
     Boucle à rétroaction positive

Plus le pergélisol va relâcher des gaz à effet, plus cela va accroître le réchauffement et plus cela fera dégeler plus de pergélisol qui émettra encore plus de gaz à effet de serre causant encore plus de réchauffement.

Nous aurions vraiment dû agir plus tôt...

jeudi 23 mars 2017

Comment expliquer l'amplification Arctique? Ça peut vous surprendre.

L'amplification Arctique, c'est tout simplement le réchauffement plus rapide de l'Arctique comparé à la moyenne globale.
L'atmosphère est une succession de couches la plus dense étant naturellement la plus proche du sol ; c'est la troposphère. Une mince couche dans laquelle se déroule l’essentiel de notre météo et tout le réchauffement. Elle est donc très active et elle est a aussi des structures et des courants.

Il ne se passe presque rien dans les couches supérieures qui risquerait d'avoir un impact significatif sur la météo. La poussière des plus gros volcans atteint la stratosphère et peut provoque un refroidissement temporaire ; on y voit aussi de rares nuages noctulescents et bien sûr, il y a la couche d'ozone qui nous y protège des dangereux rayons UV et son trou qui est lentement en voie de se résorber.


Jennifer Francis de l'Université de Rutger
La 2e loi de la thermodynamique stipule en gros : que la chaleur se transfère toujours vers le froid, et nous avons justement un surplus de chaleur...

L’épaisseur de la troposphère varie de 8 km aux pôles à 15 km au-dessus de l'équateur tout simplement parce que l'air chaud occupe plus de volume que l'air plus froid.



Les informations et graphiques qui suivent proviennent de cette conférence (en Anglais) par Jennifer Francis.

Remarque 1 - L'air chaud de l'équateur descend une pente vers les pôles et c'est un des motifs qui explique l'amplification polaire (le réchauffement plus rapide des pôles et en particulier l'Arctique). C'est toujours à l'équateur qu'il fait en moyenne, le plus chaud (voir cet article antérieur).

Remarque 2 - C'est la différence de températures entre l'équateur et les pôles (le gradient polaire) qui régule la puissance des courants-jet polaires. Quand cet écart est réduit, c'est-à-dire quand l'Arctique se réchauffe comparativement à l'équateur, cela affaiblit le courant-jet et lui fait faire des méandres Nord-Sud de plus en plus importants.


Ces méandres Nord-Sud augmentent aussi  le transport de la chaleur vers l'Arctique déjà très mal en point, et encore davantage cet hiver.

Les températures en Arctique cet hiver ont encore été anormalement chaudes (bien pire que les dernières années) ; parfois plus de 20°C et même 30°C au-dessus de la moyenne le tout accompagné par beaucoup de nuages, de pluie et de vent, (article antérieur). Ça s'est poursuivi en janvier et février 2017.

C'est l'automne que se produit le plus de réchauffement dans l'Arctique et c'est à cette période, suite à l'été, que l'océan Arctique est le plus chaud.

 

______________
   
     Perte d'albédo


À mesure que l'Arctique et l'Antarctique se réchauffent, il y a moins de surfaces blanches qui réfléchissent le rayonnement solaire vers l'espace, ce qui accroît le réchauffement aux pôles.
Selon la Dre. Francis, l'eau sans glace a un albédo de seulement 2% ; ce serait donc 98% du rayonnement solaire qui participerait au réchauffement des océans Arctique et Antarctique quand les banquises y fondent.

Cette vidéo montre comment et à quelle vitesse la glace de l'Arctique fond et est évacuée dans l'Atlantique Nord, un peu comme si l'Arctique malade, vomissait sa glace dans le détroit de Fram.

Pour avoir les sous-titres en Français, il faut :
1- Clic sur le bouton à gauche de l'engrenage
2- Clic sur l'engrenage puis sur sous-titres
3- Clic sur Traduire et une nouvelle fenêtre apparaît
4 Choisir Français (La traduction est imparfaite)
NB. Il m'arrive de devoir mettre sur pause pour avoir le temps de lire/comprendre le texte qui n'est pas très exact.

     Voyons l'état du courant-jet aujourd'hui...

Source : Earth Nullschool
Toujours disloqué et mal en point... il serait aux soins intensifs si c'était un humain.

Le courant-jet aussi transporte de la chaleur vers l'Arctique, surtout à cause des méandres Nord-Sud qu'il a développé depuis environ une décennie et qui s'amplifient au point de le disloquer.

Une hypothèse est que la température des masses d'eau chaudes et froides dérèglent aussi la trajectoire du courant-jet ou semblent favoriser ce qu'on nomme le "blocage" ; le courant-jet fait du sur place et les systèmes météo restent coincés ou suivent le même trajet l'un après l'autre. Ce serait une des causes des tempêtes et inondations hivernales successives qui ont affligé l'Angleterre quelques années de suite. Les recherches sont en cours pour comprendre les causes et conséquences des dérèglements du courant-jet car c'est le moteur météo de loin le plus important de l'hémisphère Nord.

     Les courants marins

L'océan Arctique, en plus de se réchauffer lui-même parce que albédo diminue, l'eau chaude venue d'ailleurs remonte dans l'Arctique et participe aussi au réchauffement et à la fonte des plates-formes de glace qui retiennent glaciers et inlandsis.

93,4% de la chaleur s'engouffre dans les océans. Cela veut dire que si tout le surplus de chaleur qui s'est engouffré dans les océans à cause du réchauffement climatique se retrouvait "miraculeusement" dans l'atmosphère, le réchauffement atmosphérique qu'on nomme "réchauffement global" serait de plus de 35°C au lieu de 1,2°C... L'eau étant plus dense que l'air, cela lui permet d'emmagasiner beaucoup plus de chaleur. La couleur sombre de l'eau y est aussi pour une bonne part.

Carte des anomalies de température. On voit le Gulf Stream le long de la côte Est de l'Amérique remonter vers le Nord et s'étioler aussi vers l'Est.

Ci-dessous, le courant Kuroshio (semblable au Gulf Stream) passe au Japon et une partie se dirige vers le Nord (la chaleur se déplace toujours vers le froid) et pénètre dans l'océan Arctique via le détroit de Béring entre l'Alaska et la Sibérie.


     Une cause inattendue à l'amplification Arctique

Les aérosols, vous connaissez? Avez-vous déjà entendu parler d'assombrissement global? C'est un sujet plutôt complexe qui mérite un article à lui seul... (un autre projet).

Les impacts des aérosols sur le climat sont doubles ; certains comme le SO2 refroidissent le climat et d'autres, notamment ce qu'on appelle le "carbone noir" (suie), contribuent au réchauffement même s'ils réduisent aussi "l'ensoleillement". Il y a une multitude de types de particules dans ce qu'on nomme les "aérosols". Ces particules demeurent  moins d'un mois dans l'atmosphère mais nous en produisons en continu.

Grâce aux mesures visant à améliorer la qualité de l'air, nos émissions de particules de SO2 ont considérablement diminué dans certaines parties de l'hémisphère Nord au cours des trois dernières décennies. La tendance au refroidissement global causé par les aérosols a commencé à s'inverser vers 1990 (source en Anglais).

Une partie de ces particules qui diminuait partiellement le réchauffement de l'Arctique ne sont plus là, conséquence : cela a contribué à accélérer le réchauffement de l'Arctique, et ailleurs dans l'hémisphère Nord évidemment.

L'étude (en Anglais) conclut que suite aux réductions des émissions de particules fines en Europe et en Amérique, que l'Arctique a subi un réchauffement équivalant à 0,3 W/m2 (3 dixièmes de watt par mètre carré) à cause de cette baisse de pollution au SO2.

Il faut savoir que si on cessait notre pollution atmosphérique demain matin, notre climat se réchaufferait en moins d'un mois, mais difficile de dire de combien, on dit que les aérosols ont réduit du tiers le réchauffement global, soit environ 0,4°C à 0,5°C, mais ce débat n'est pas clos, d'autres parlent de 1°C mais si on vous mentionne plus que cela, c'est simplement pour vous faire peur ; on vous manipule par la peur, c'est un truc vieux comme le monde. 

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L'Arctique n'a pas été aussi chaud depuis 2,5 millions d'années révèle cette étude en Anglais. C'est en étudiant le dernier vestige de la calotte glaciaire de Barnes situé dans la Terre de Baffin dans l'Arctique Canadien que les scientifiques en sont venus à cette conclusion
Calotte glaciaire de Barnes dans l'Arctique Canadien.

      Smog

Le terme "smog" est une contraction des mots "smoke" (fumée) et "fog" (brouillard).

Voici Londres dans son smog en 1952... les gens mouraient par centaines sans qu'on ne comprenne pourquoi. Ils ont enfin compris et décidé de limiter la consommation de charbon, ce qui a éclairci leur atmosphère et sauvé des santés et des vies...

L'histoire se répète... Voici Londres dans le smog en 2017... Presque toutes les grandes villes sont désormais prisonnières de leur smog plusieurs journées par année.

Malgré tous les instruments de vols disponibles, une centaine de vols ont dû être annulés. Article source.
Dans les techniques de Géo-ingénierie, on parle de répandre du SO2 dans la stratosphère. Apparemment, ces gens ont déjà oublié que le SO2 causait les pluies acides qui détruisent l'environnement.

Ça vaut la peine de souligner que le seul responsable est notre modèle économique à la croissance perpétuelle obligatoire sur un monde qui n'est pas infini ; et ses consommateurs aveuglés par le marketing qui suscite l'envie, pas le raisonnement.
On se fait et on se laisse manipuler ; il faut se fier aux faits et non pas aux opinions.

mardi 14 mars 2017

Pourquoi tant de variation dans les estimations de la hausse du niveau des océans? Qui croire?

J'essaie d'être une source d'information fiable mais je dois composer avec les informations et études scientifiques disponibles et courantes ; la science (la compréhension) évolue constamment... et très rapidement dans le domaine de la science climatique.
Pour comprendre pourquoi les estimations de la hausse du niveau des océans varient tellement, il faut savoir qu'il y a différentes méthodes pour en faire l'évaluation. À chaque année quand ce n'est pas aux six mois, on apprend que la fonte s'accélère ; que le niveau des océans va grimper plus haut et plus tôt que prévu...

     Commençons par le GIEC puisque c'est l'estimation la plus citée

Ce qu'il faut savoir c'est qu'à cause du lent processus de rédaction et de révisions, les rapports du GIEC, lorsqu'ils paraissent, sont appuyés sur des études scientifiques (révisées et approuvées par des pairs) vieilles d'au moins deux ans. Le processus de révision d'une étude scientifique peut à lui seul prendre 2 ans, parfois plus. Donc, entre une découverte ou une série d'observations faites scientifiquement, deux ans de délai avant  que nous en soyons informés et encore 2 ans avant que le GIEC n'en tienne compte.. À cause de l’engouement du public pour l'astronomie et du caractère différent de cette science, les  découvertes astronomiques nous parviennent beaucoup plus rapidement

Dans leur 5e rapport (AR5) paru en 2013, le GIEC prévoyait une hausse du niveau des océans d'un mètre au maximum. Mais le GIEC n'a pas inclus la fonte des calottes et glaciers dans ses prévisions ; ils ne savaient pas comment modéliser la fonte car c'est un processus très complexe et en science, on ne parle que de ce qu'on sait calculer, de ce qui est établi et vérifiable. Donc, la hausse prévue du niveau des océans dans le 5e rapport du GIEC est très principalement attribuée à la dilatation de l'eau sous l'effet de la chaleur qui a l'époque, était la cause principale de la hausse du niveau des océans.

Le prochain rapport du GIEC devrait paraître en 2018, sa rédaction est déjà entamée.

     Les estimations de fonte selon les modèles



La taille des carrés est ce qu'on
appelle la résolution du modèle.
Pour faire un modèle, ils découpent un territoire en grille. Selon leur position respective dans la réalité, on attribue un taux de fonte à chaque carré déduit selon la température moyenne connue et d'autres facteurs ayant un impact sur la fonte.

Vu que la réalité contient des variables qu'on a aussi programmé dans le modèle, on fait tourner la simulation plusieurs fois ce qui donne une "fourchette de prévisions" exemple, 10 à 20 cm de hausse du niveau des océans pour cette portion. Mais ces simulations numériques sont généralistes ; chaque carré de la grille comporte, dans la réalité, des complexités dont les modèles ne tiennent pas encore compte et qui sont par surcroît, très difficiles à prendre en compte.

La majorité des modèles de fonte sont basés uniquement sur la température atmosphérique, ils passent donc à coté de beaucoup de facteurs, comme l'écoulement de l'eau sur, dans et sous la glace et ne tiennent pas compte non plus des irrégularités et anomalies de la surface comme l'assombrissement de la neige, voyons tout ça de plus près.


     Ce dont les modèles de fonte des calottes et glaciers ne tiennent pas compte

La glace des calottes n'est pas, n'est plus en fait, lisse et blanche. La fonte, la pollution, les cendres, etc. changent l'aspect de tout ; comme ces crevasses quasi impossibles à modéliser ; du sombre, du blanc, du sale, de l'eau ; comment tenir compte de tous les différents taux de fonte d'un paysage comme celui-ci?
Des crevasses à l'origine surprenante. Quand les glaciers s'écoulent vers la mer, ils ont tendance à s'étirer, c'est cet étirement de la glace qui cause les crevasses de ce genre qu'on voit sur l'image ci-dessous. Cet étirement augmente la surface de fonte et la glace doit aussi avoir perdu en densité. Encore un phénomène complexe trop difficile à résumer en formules mathématiques (pour le moment) servant à programmer les modèles de fonte.

"Si en politique on nous dit de suivre la trace de l'argent, au Groenland, il faut suivre la trace de l'eau."

Des lacs de fonte comme on voit ici se forment et disparaissent parfois subitement . Lorsque ces lacs sont à la surface, ils augmentent le taux de fonte car leur teinte foncée absorbe beaucoup plus de chaleur venant du soleil alors que la glace blanche réfléchit ce rayonnement vers l'espace ; un autre facteur de fonte important dont les modèles ne peuvent encore tenir compte faute de formulations mathématiques.
L'eau plus chaude de ces lacs de fonte s'enfonce via des trous qu'on nomme "moulins" dans les couches sous-jacentes qui ramollissent ce qui créé parfois l'équivalent de nappes phréatiques faisant aussi fondre le Groenland de l'intérieur.
Des gens explorent un "moulin". L'intérieur du Groenland se transforme en fromage suisse. Source
Aussi, l'eau coule souvent jusqu'au fond rocheux et va lubrifier les glaciers par le dessous ce qui augmente la vitesse à laquelle ils glissent vers l'océan, et ce n'est évidemment pas pris en compte dans les modèles.

Même où la neige paraît blanche, du moins à vue d'oeil, les instruments nous révèlent qu'elle s'est assombrie ; un autre facteur qui pris à grande échelle accroît irrémédiablement le taux de fonte. Ce qui complique aussi les choses, c'est que le climat en Arctique se dérègle ; il y a de nos jours des périodes atteignant parfois deux mois sans aucune précipitation sur certains secteurs du Groenland et quand la neige fond, les saletés restent en surface ; la teinte prend alors l'apparence d'un stationnement et accroît de beaucoup le taux de fonte.
Oui oui, c'est bien une partie de la surface du Groenland ; la glace est sous la crasse.
Station d'instruments de mesure climatiques sur la calotte. Les conditions de travail sont de plus en plus dangereuses, voyez ces fissures récentes.
De très près, voici à quoi ressemblent d'autres sections qui paraissent orangées, même vu depuis l'espace. Ce sont des micro-algues qui s'installent avec la chaleur accrue et l'ensoleillement. Ça fait à peine quelques années qu'on a remarqué ce phénomène qui, évidemment, prend de l'ampleur à mesure que le climat se réchauffe et n'est pas pris en compte dans les modèles de fonte...
Ça aussi n'est pas pris en compte dans les modèles de fonte.

Cette section a été extraite de la conférence du glaciologue Jason Box ci-dessous. Pour consulter ses travaux : http://jasonbox.net/
Pour conclure la section modélisation, on pourrait dire que les modèles tentent de rattraper la réalité.
     La méthode comparative

On compare la période actuelle avec une période antérieure comme l'a fait James Hansen dans une étude qui a regroupé de 17 scientifiques et dont j'ai parlé dans cet article antérieur.

Des données datant de la précédente période interglaciaire, l'Eémien d'il y a de 131 000 à 114 000 ans (voir Wikipédia Fr) qui démontrent que, même si cette période était d'environ 1°C moins chaude (parce que l'axe de rotation était un peu moins incliné à l'époque à cause des cycles orbitaux de Milankovitch) qu'aujourd'hui (2015) que le niveau des océans était de 5 à 9 mètres plus élevé ; on doit donc s'attendre à cette hausse. Cependant l'étude de Hansen ne dit pas en combien de temps le niveau des océans va monter, il mentionne 50 ans, 100 ans et 200 ans.

C'est très peu probable que le niveau des océans monte progressivement. On doit s'attendre plus loin dans le temps à des hausses relativement rapides comme cela s'est produit dans le passé de la Terre. L'impulsion de fonte 1A, [... avec des taux estimés de 27 mm/an à 65 mm/an.]


     Une méthode vraiment pas scientifique

Il y a une troisième méthode pour évaluer la hausse du niveau des océans, la méthode "ingénieur". Elle n'est absolument pas scientifique...

Comment un ingénieur aborde-t-il la situation? Crayon, papier et un calcul simple basé sur deux données facilement disponibles.
1- le taux de fonte annuel
2- la période à laquelle le taux de fonte double (ou triple).

Le taux de fonte moyen du Groenland  280 ± 58 Gt/an.
Lors de l'année 2012-2013, le Groenland a perdu 474 Km3 de glace.

Des résidence très vulnérables. Source Ben Strauss, bstrauss@climatecentral.org

Le taux de fonte de l'Antarctique est d'environ 118 Gt/an selon la NASA et triple aux 10 ans en plusieurs endroits de l'Ouest de l'Antarctique. Qu'on le double aux 6-7 ans ou qu'on le triple aux 10 ans, ça revient sensiblement au même.

Le fait que le taux de fonte du Groenland ait récemment doublé en 4 ans est-il une nouvelle tendance ou une exception? Depuis ce temps (2014), la température moyenne globale a grimpé de plus de 0,3°C et donc du double ou du triple dans l'Arctique (0,6°C à 0,9°C) de hausse de la température en 3 ans! La Terre n'a jamais rien connu de tel.

Vu que les modèles numériques (simulations) et que la méthode comparative ne permettent pas de faire des prévisions utilisables, reste la "méthode ingénieur" ; un calcul simple qu'on peut faire sur un bout de papier : nous connaissons le taux de fonte savons qu'il triple (environ) aux 10 ans. Ça semble être le moyen le plus "juste" de prévoir le taux de montée du niveau des océans, mais ce n'est pas scientifique.

Le graphique qui suit est basé uniquement sur la hausse du niveau des océans attribuable à la fonte du Groenland. Le taux de fonte initial (2017) est établi à 300 Gt/an.
NOTE 1 : Un Km cube de glace = 1 milliard (1 Gigatonne) de tonnes d'eau.
NOTE 2 : Cela prend 380 Km3 pour élever le niveau des océans de 1mm.
Le Groenland serait donc complètement fondu vers 2085 et à lui seul, aurait fait grimper de 7,2 mètres le niveau global moyen des océans du globe. Selon l'étude comparative de James Hansen, ça cadre parfaitement dans ses prévisions (5 à 9 mètres) si on utilise la valeur intermédiaire de 75 ans.
La fonte en Antarctique, selon la même méthode de calcul, ajouterait 3,9 mètres aux 7,2 mètres pour un total de 11,1 mètres de hausse atteint en 2085. En 2045, ça fait déjà 1,43 mètres de plus aux océans ; adieu beaucoup de grandes villes, le Bangladesh, une grande portion de la Floride, etc.

Je vous recommande quand même de vous éloigner des côtes pendant que votre résidence a une bonne valeur ; ce n'est pas les climato-négationnistes qui manquent pour vous la racheter. J'ai appris cette semaine qu'en Floride, les résidences près de la côte sont de plus en plus difficiles à vendre.

     Variation du niveau des océans au cours des âges

Rappelons que la civilisation humaine n'existe que depuis 10 000 ans : quand nous avons entrepris l'agriculture. Nous sommes dans la période géologique de l'Holocène. D'autres parlent d’Anthropocène (l'ère de l'Homme), puisque nous affectons toute la biosphère et le climat, surtout depuis les derniers 50 ans, mais des géologues disent que l’Anthropocène sera un sujet d'étude pour les géologues dans quelques dizaines de milliers d'années.

Ce sont les variations orbitales nommées paramètres de Milankovitch qui sont la cause de l’alternance des périodes glaciaires et interglaciaires, et ce sont ces périodes qui déterminent le niveau des océans ; dans un âge glaciaire le niveau des océans diminue car l'eau se transfère dans les calottes polaires ; et lors d'un âge interglaciaire, la glace fond et fait remonter le niveau des océans.
L'étendue de la glace lors du dernier âge glaciaire.
Les périodes chaudes sont les périodes dites interglaciaires ; c'est à cause de la reprise d'activité des végétaux et du dégel que le taux de CO2 augmente et le CO2 étant un gaz à effet de serre, il participe à aussi la hausse de la température.

Les derniers 500 000 ans en climat : quatre âges glaciaires, de mini-âges glaciaires et quatre périodes interglaciaires...
Adapté depuis le graphique d'une des études de James Hansen par l'océanographe John Englander
Dans les conditions actuelles, je ne sais pas qui vous recommander de croire, mais vous avez du choix...

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Si vous mettez un gros monticule de glace sur votre table, vous noterez que ça prend du temps avant que la glace commence à fondre, qu'elle fondra de plus en plus vite, et qu'elle prendra plus de temps à fondre s'il fait 2°C dans votre cuisine que s'il y fait 22°C ; il fait encore relativement frais dans l'Arctique, pourtant, le Groenland fond déjà rapidement. Nous n'en sommes qu'au début.

Il y a beaucoup d’inertie dans la fonte des calottes glaciaires ; ça pourrait prendre 200 ans de fonte (ou plus) avant que le niveau des océans n'atteigne l'équilibre avec la température actuelle... car le niveau des océans est directement dépendant de la température moyenne globale. Mais la température va apparemment continuer de grimper jusqu'à au moins 4°C de réchauffement global moyen (mesure qui ne tient pas compte de la hausse importante de la température des océans).

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Je me répète : bien que la hausse du niveau des océans paraisse catastrophique, elle demeure un inconvénient mineur comparé à la hausse de la température ou l'acidification des océans.